Leçons

TTTT - Bravo "L’architecture romanesque brillante que bâtit Ian McEwan s’empare, à travers son personnage principal, et les personnages secondaires tout aussi merveilleusement brossés qui l’entourent, de la destinée collective d’une génération : celle des baby-boomers, épargnés par les convulsions du premier XXe siècle qui bouleversèrent voire fracassèrent les vies de leurs parents, spectateurs et non plus acteurs des crises mondiales et qui n’en subirent que des retombées de poussières — telles celles venues de Tchernobyl, qui préoccupent tant Roland Baines au début du roman, tandis qu’en ce printemps 1986 le nuage radioactif plane sur l’Europe. À Roland Baines, Ian McEwan prête nombre d’éléments de sa propre biographie : son année et son lieu de naissance (1948, à Aldershot, dans le Hampshire) ; ses années d’enfance à Tripoli ; et même, bien plus tard, vers l’âge de 60 ans, la découverte de l’existence d’un frère aîné, confié à l’adoption par ses parents alors qu’il n’était qu’un nourrisson. À tel point que la presse anglo-saxonne a parfois lu Leçons comme les « anti-Mémoires » de l’écrivain. McEwan lui prête-t-il aussi ses pensées ? Roland Baines est-il une projection de lui-même — un homme qu’en vertu de « la théorie des mondes multiples » il aurait pu être si son destin avait connu de décisives variations ? Quoi qu’il en soit, c’est à Alissa, l’épouse et mère démissionnaire, devenue écrivaine de renommée planétaire, qu’il attribue le talent qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître comme étant le sien : « La prose était magnifique, limpide, souple, le ton empreint d’autorité et d’intelligence dès les premières phrases. Le regard semblait à la fois d’une impitoyable exactitude et plein de compassion. » Du grand art."