Betty
  • Date de parution 01/11/2023
  • Nombre de pages 704
  • Poids de l’article 1 gr
  • ISBN-13 9782404080178
  • Editeur GALLMEISTER
  • Format 180 x 120 mm
  • Edition Livre de poche
Anglo-Saxon Romans étrangers

Betty

4.35 / 5 (7006 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l'histoire qu'il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne. La Petite Indienne, c'est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s'installent dans la petite ville de Breathed, après des années d'errance, le paysage luxuriant de l'Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l'écriture : elle confie sa douleur à des pages qu'elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu'un jour, toutes ces histoires n'en forment plus qu'une, qu'elle pourra enfin révéler. Betty raconte les mystères de l'enfance et la perte de l'innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle.

livré en 5 jours

livré en 5 jours

  • Date de parution 01/11/2023
  • Nombre de pages 704
  • Poids de l’article 1 gr
  • ISBN-13 9782404080178
  • Editeur GALLMEISTER
  • Format 180 x 120 mm
  • Edition Livre de poche

l’avis des lecteurs

Au-delà des auteurs inamovibles et de leurs romans annuels que l’on retrouvera en tête de gondole et dont le succès est déjà assuré, on observe durant la période de la rentrée littéraire ce phénomène de livres émergeant du flot des publications pour connaître un engouement unanime aussi bien sur les réseaux sociaux qu’au travers des médias traditionnels qui relaient ainsi un enthousiasme qui devient presque suspect ceci d’autant plus qu’il s’agit bien souvent d’un premier roman à l’instar de Ce Qu’il Faut De Nuit de Laurent Petitmangin (La Manufacture de Livres 2020) ou My Absolute Darling de Gabriel Tallent (Gallmeister 2019). On assiste ainsi à une espèce de traditionnelle « success story » ou de conte de fée littéraire que les journaux, radios et plateaux télé vont amplifier jusqu’à devenir assourdissant voir même assommant tant on a l’impression d’entendre les mêmes considérations. Pour l’année 2020, c’est Betty, second roman de Tiffany McDaniel qui connait ce coup de projecteur désormais traditionnel avec une déferlante de louanges qui sont loin d’être immérités. 

Surnommée Petite Indienne par son père cherokee, Betty Carpenter est la sixième enfant d'une fratrie qui en compte huit. Après des années d’errance, la famille s’est installée dans la petite ville de Breathed dans l’Ohio. Mais avec une mère blanche et un père aux origines indiennes, les Carpenter vivent en marge d’une société américaine qui se focalise sur les différences raciales. Bercée par les histoires extraordinaires que lui transmet son père avec ce mélange de contes et de légendes indiennes, Betty grandit entourée de ses frères et soeurs au sein d’un jardin luxuriant qui permet à la famille de subvenir tant bien que mal à ses besoins. Mais en grandissant, Betty perçoit de noirs secrets qui affectent sa mère mais également sa grande soeur et découvre ainsi la dureté du monde des adultes. C’est avec l’écriture que Betty choisit de surmonter courageusement les difficultés qui se présentent à elle en couchant sur papier les instants douloureux qu’elle traverse avant d’enterrer sous terre les pages qu’elle rédige au fil des années et qui vont former une seule histoire qu’elle pourra révéler un jour.

Il y a tout d’abord cette écriture limpide et lumineuse chargée de notes poétiques offrant au récit une charge émotionnelle permanente que Tiffany McDaniel distille avec beaucoup de pudeur et de sensibilité au gré de cette superbe chronique familiale de la famille Carpenter. Il y a ensuite cette atmosphère envoutante, ce cadre étrange d’une maison maudite et d’un jardin luxuriant dans lequel évolue les membres de cette famille que l’on découvre par le biais du regard de Betty, cette jeune fille dont les cheveux noirs et le teint mat trahissent les origines Cherokee de son père avec qui elle partage une grande complicité et une fascination pour ses contes et légendes qu’il améliore en fonction de son inspiration. On se glisse ainsi dans l’intimité d’une famille de condition modeste évoluant dans le contexte des sixties qui subit les affres de la discrimination et de la défiance, mais qui vit tout de même dans le cadre idyllique de ce fabuleux potager au travers duquel le père communie avec la nature en restituant le savoir-faire de ses ancêtres. Sous le charme de cette famille, ce sont pourtant les drames qui jalonnent ce roman qui fait la part belle aux femmes en dénonçant leurs conditions épouvantables comme on le découvre avec la mère de Betty qui ne s’est jamais remise des terribles maltraitances qu’elle a subit durant son enfance. Avec une femme qui glisse parfois dans une espèce de folie, on distingue ces fêlures qui brisent sa personnalité en dépit du soutien sans faille de son mari qui ne connaît pas l’origine du mal qui la ronge. C’est Betty qui va porter la charge du poids du secret et découvrir également les tourments que subit Fraya, sa soeur aînée, qui choisit de se taire. Avec le destin de ces femmes ayant subit les pires avanies, Tiffany McDaniel distille subtilement un message féministe qui nous renvoie aux conditions sociales de l’époque à l’instar de cet échange édifiant entre Betty et un directeur d’école qui livre son opinion sur l’habillement des écolières au sein de son établissement.

Bien loin des clichés sur la perte de l’innocence, sans pathos larmoyant, Tiffany McDaniel nous livre avec Betty un magnifique roman sur la possible rédemption en trouvant son issue dans le pouvoir des mots brisant les terribles secrets qui laminent les coeurs et les âmes de ceux qui les détiennent. Le destin bouleversant d'une petite indienne qui va devenir romancière.

« Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne. »


La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.

Ma lecture


J’aurais pu écrire une chronique semblable à tant d’autres vantant la beauté de cet ouvrage, j’aurais pu, au contraire, écrire une chronique pour vous dire à quel point j’étais déçue mais je vais finalement écrire une chronique beaucoup plus nuancée, un avis entre deux eaux. Je m’explique.

Je ne m’étends pas sur le résumé de l’histoire car je pense que vous en connaissez tous et toutes les grandes lignes depuis le temps que vous lisez des chroniques sur cet ouvrage dont tout le monde a parlé, mais je vais plus m’attacher à mes différents sentiments pendant ou après cette lecture. J’avoue qu’il y a un moment où j’ai failli l’abandonner, oui, oui l’abandonner….. J’avoue et j’assume mais je trouvais cela long, même si l’écriture était belle, l’ambiance familiale et ses troubles parfaitement restitués, les caractères de chacun bien identifiés, qu’il s’agit des parents ou des enfants, mais ayant le sentiment qu’il s’agissait d’un énième roman d’apprentissage (et c’est le problème quand on lit beaucoup) assez fidèle au genre, avec la figure du père, Cherokee herboriste-poète trafiquant d’alcool à ses heures, comme axe principal, et la mère, blanche, au comportement instable et fragile ainsi que leurs huit enfants dont certains disparaîtront très tôt ou auront des destins tragiques (comment rester d’ailleurs stable avec tant de drames) le tout dans une ambiance de petite bourgade du sud des Etats-Unis.

La relation entre Betty et son père est très belle, poétique et profonde, un père qui transforme ou explique chaque questionnement en histoire, lui transmettant ainsi les racines et la fierté de son peuple. Betty va commencer à noter tout ce qu’elle voit ou entend pour ensuite les enfermer dans des bocaux qu’elle enterrera afin de garder, comme son père, une trace de ce qu’elle vit.

Pour ce qui était de son imagination, j’étais convaincue que Dieu avait posé le pied sur son esprit. C’était la faute de Steinbeck, qui avait laissé tomber sur la terre l’esprit de mon père pour commencer, donnant à Dieu la possibilité de marcher dessus pour y laisser une petite encoche et l’empreinte de Son pied. Avec une telle empreinte, qui n’aurait pas une imagination semblable à celle de Papa ? Toutefois, cette fantaisie s’écaillait de plus en plus, et je commençais à voir, sous cette couche, la chair et les os. (p320)


Les 400 premières pages sont la narration d’une famille pauvre, ballotée au gré des emplois trouvés par le père, des naissances des enfants jusqu’à l’installation à Breathed (Ohio) dans une maison délabrée, dans une ville où Betty sera en butte aux réflexions des autres enfants sur ses origines. Nous sommes dans les années 1960 où il ne faisait déjà pas bon d’avoir une autre couleur de peau, une autre origine.

A cause de cela, la route de ma vie s’est rétrécie en un sentier obscur, et ce sentier lui-même a été inondé, se transformant en un marécage où il m’a fallu patauger. J’aurais passé ma vie entière engluée dans ce bourbier si je n’avais pas eu mon père. C’est Papa qui a planté des arbres au bord de ce marécage. Dans les branches de ces arbres, il a accroché des lumières pour me permettre de voir dans les ténèbres. Chacun de ses mots a porté ses fruits dans cette lumière. (p696)


Mais je me suis obstinée, car il y avait ici ou là des petits faits, assez noirs? voire très poisseux, qui laissaient à penser qu’il y avait derrière tout cela, derrière tous ces comportements parfois étranges, derrière ces silences, d’autres histoires qui allaient révéler le pourquoi du comment et puis tant de louanges sur ce roman m’incitaient à le faire. Il y avait également une sororité magnifique entre les trois sœurs qui, même éloignées les unes des autres, trouvaient le moyen d’être proches (que d’histoires de bocaux dans cette histoire)…. Et les plus jeunes frères n’étaient pas en reste avec ce qu’il faut de troubles et d’innocence pour atteindre ma sensibilité.

Et bien m’en a pris car il faut reconnaître que dans la deuxième partie du livre, j’ai trouvé que l’auteure prenait plus la mesure de son récit, l’épurait, le maîtrisait. Certes Betty grandissait et relatait avec plus de maturité l’histoire de sa famille, comprenait ou subodorait certaines choses et je dois avouer que le final est d’une rare beauté.

Alors, me direz-vous, au final qu’est-ce que j’en pense ? J’avais pris ce roman comme une biographie de Betty, la mère de l’auteure, un roman d’apprentissage, le difficile passage de l’enfance à l’âge adulte, la perte des illusions mais j’ai eu parfois un doute sur la crédibilité de tout ce qui y était évoqué et là j’ai relu la note de l’auteure en début d’ouvrage :

J’espère également que vous prendrez plaisir à lire cette histoire qui puise son inspiration dans la vie de ma famille sur plusieurs générations.


Cela confirmait mes impressions et je ne reproche rien à l’auteure, je m’étais moi-même fourvoyée dans la catégorie, il est bien précisé « roman » et on le sait : dans un roman tout est possible… Donc il ne s’agit donc pas totalement de faits réels mais d’une source d’inspiration qui a servi de trame au roman. Donc du vrai et de l’imaginaire et c’est là où est mon problème. J’ai le sentiment que l’auteure a utilisé tous les ressorts (viol, racisme ethnique, abus sur les femmes, drogue, décès d’enfants, amour paternel et familial, mystères, abus sexuels et autres violences) pour faire de son roman inspiré d’une histoire familiale, une fresque, que je dois avouer réussie dans le genre si on est adepte du genre.

Un roman donc et en tant que tel j’ai aimé la restitution parfaitement réussie du climat de cette famille mais avec une mise en lumière prononcée du père alors que j’ai eu un manque par rapport au personnage de la mère, mise plus dans l’ombre, moins développé mais peut-être est-ce dû à ce qu’elle était vraiment, enfermée dans ses silences, ses comportements dysfonctionnels et ayant le sentiment qu’elle n’entretenait que peu de liens avec ses enfants et la nature de son réel lien avec son mari.

Alors pour résumer : j’ai presque beaucoup aimé mais ce n’est pas un coup de cœur. Comme je l’ai dit la dernière partie m’a emportée, bouleversée mais j’aurai aimé que le livre soit moins dense, qu’il n’aie pas failli me perdre par lassitude dans la première partie, qu’il mette plus l’accent sur le personnage de la mère de Betty, même si l’on comprend pourquoi au final, j’ai eu du mal à croire réellement à tous les événements mettant le doute sur leur véracité. Je me pose également la question de la relation entre les parents de Betty, le père plus bienveillant vis-à-vis de ses enfants que de sa femme, pourtant très fragile même si cela s’explique par la narration de Betty qui n’écrit que sur ce qu’elle a vécu ou vu mais il semblerait donc qu’elle ait vu peu de scènes d’attachements et de tendresse dans le couple.

Mais il faut par contre reconnaître le talent de l’auteure, son écriture fluide et poétique, son sens de l’introduction parfois brutale de scènes qui nous chamboulent par la différence de ton, d’ambiance, donnant une autre vision du contexte familial mais sans expliquer leurs manques de réactions, d’interrogations sur ce que leurs enfants vivent. Elle dose ce qu’il faut d’amour, de haine, de paysages pour en faire un roman qui touchera le plus grand nombre.

Bref je ne serai pas aussi enthousiaste que beaucoup d’entre vous, je serai plus nuancée. Idéal pour celles et ceux qui souhaitent se plonger dans un pavé de plus de 700 pages, qui allie paysages, famille, amour et violence, pour ceux qui aiment à la fois les belles âmes mais aussi celles plus sombres et tourmentées.

Mais le sentiment de culpabilité demeure. C’est un sentiment qui refuse de durer moins longtemps que l’éternité. Je crois qu’une partie de cette éternité verra mon père en train de jouer de la trompette avec un champignon tandis que ma mère le regarde, la porte du réfrigérateur ouverte jusqu’à ce que le lait finisse par tourner. (p628)


Quatrième de couverture

“Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l'histoire qu'il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.” La Petite Indienne, c'est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s'installent dans la petite ville de Breathed, après des années d'errance, le paysage luxuriant de l'Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu.

Quelques mots sur l’auteur et sur son livre

Voilà presque vingt ans que Tiffany McDaniel a commencé l’écriture de Betty. En 2002, elle a dix-sept ans et la découverte de secrets de famille déclenche son envie d’écrire. En 2003, elle achève une première version, qu’elle envoie à des agents littéraires. Ses interlocuteurs craignent que l’histoire de Betty n’intéresse pas le public : elle est racontée par une femme, elle est sombre, c’est risqué. En 2017, un prestigieux éditeur américain s’intéresse au roman. Tiffany McDaniel continue à faire évoluer son texte. Les ultimes corrections ne seront apportées qu’en mai 2020, à quelques semaines de l’impression. Elle vit dans l'Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu'elle connaît. Elle est également poète et plasticienne.

Prix reçus par ce roman

Prix du roman FNAC 2020

Prix America du meilleur roman 2020

Roman étranger préféré des libraires - Palmarès Livres Hebdo 2020

Prix des lecteurs de la Librairie Nouvelle (Voiron)

Prix des lecteurs des librairies Attitude

Sélection pour le Femina 2020

Mon avis

« Raconter une histoire a toujours été une façon de récrire la vérité. »

Ce récit s’étale de 1909 à 1973. C’est Betty qui s’exprime. D’abord petite fille puis elle grandit. Elle raconte l’histoires de sa famille, ses non-dits, ses secrets, ses rêves, ses peurs, ses bonheurs. C’est le passage de l’enfance à l’âge adulte, accompagné par les contes que lui narre son père, les situations qu’il met en place pour garder intacte la capacité d’émerveillement de la tribu mais surtout celle de Betty. Elle est sa « petite indienne », plus typée physiquement que ses frères et sœurs. En ça, elle a plus de difficultés à s’intégrer à l’école, on la rejette pour la noirceur de sa peau, les maladies qu’elle pourrait transmettre, d’ailleurs n’aurait-elle pas une queue sous sa culotte ? C’est encore plus difficile de trouver sa place quand on est une fille, rejet en classe puis petits boulots, soumission, etc. mais les femmes sont des battantes dans la famille McDaniel et l’auteur s’est inspirée de leur vie pour son roman.

« Nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées. »

Face aux difficultés de son quotidien, qui est loin d’être heureux, Betty écrit, elle rédige pour se sauver, pour exister. Elle enferme les feuilles couvertes de son phrasé dans des bocaux qu’elle enterre dans un endroit de leur jardin appelé « le bout du monde ». Et elle échange souvent avec son père. Leur relation est belle, lumineuse, même si cet homme ne voit malheureusement pas tout. Il écoute, il interprète les étoiles, un rayon de soleil ou un éclat de lune, il en fait un poème, un tableau, un songe….

C’est Landon Carpenter, le patriarche qui porte sa famille à bouts de bras. Jardinier, guérisseur, menuisier, sculpteur, homme de tous les métiers pour faire bouillir la marmite de cette grande famille. Capable d’actes qui paraissent insensés (les citrons, les bocaux de sable), mais qui ne sont que des preuves d’amour, il est la force de cette assemblée, le pilier, le roc. C’est un sage aux paroles mesurées, on dirait qu’il ne garde que le beau de la vie, enterrant le reste ou le transformant pour le sublimer en quelque chose de positif. Il aime les siens, d’une façon inconditionnelle, chacun a sa place, chacun est aimé pour ce qu’il est, comme il est quelles que soient ses manques. Il tisse des liens entre ses enfants comme Betty tisse des histoires. Tout ce qui a été abîmé, défait, détruit, est raccommodé, reprisé par l’amour de cet homme. D’un haillon, il fait de la dentelle.

La mère, Alka, est une femme toute en contraste, souffrant des blessures passées, de celles que lui infligent le présent. Régulièrement, ses démons se rappellent à elle, l’envahissant et rien ne semble la rassénérer. Mais son mari est là, présent avec un son amour qui panse chaque meurtrissure.

Porté par une écriture (merci à la traductrice) délicate, poétique, ce texte monte en puissance au fil des pages. Les derniers chapitres sont émouvants, les yeux se mouillent. Le style est puissant et en même temps tout en retenue, laissant chaque émotion s’installer durablement en nous. Tiffany McDaniel a évité l’écueil des clichés sur les indiens, ou sur les femmes. Elle inscrit la vie de sa « Petite Indienne » dans les recueils dont on dit que leur souffle épique en font des coups de cœur.


Betty est une fiction, mais s'inspire de l’histoire familiale de l’auteure, se focalisant plus précisément sur l’enfance de sa mère, métisse cherokee. C’est une histoire d'amour, de dévotion et de violence, qui place en son centre une condition féminine indissociable de la blessure, du sang, et de l’obligation de rester debout malgré les douleurs et les traumatismes. 

Les parents de Betty se rencontrent dans un cimetière. Alka est blonde, fragile et fantasque. Landon a les pieds nus, "ceux d'un homme qui fréquente les bois et se lave dans la rivière". Il a 29 ans, elle en a 18 ; elle tombe enceinte, il l'arrache à un père brutal. Betty nait au mitan des années 50, au sein d’une fratrie qui comptera onze enfants, dont plusieurs meurent à la naissance ou en bas âge. Pendant longtemps, les Carpenter mènent une vie d’errance, trimballant leur progéniture d’état en état, jusqu’à ce que le père, Landon, essuie au travail une insulte raciste de trop. Ils retournent alors se poser à Breathed, dans ces contreforts des Appalaches, Ohio, dont Alka est originaire. Ils y rachètent une bicoque délabrée dont les précédents habitants ont mystérieusement disparu, laissant derrière eux de suspects impacts de balles dans les murs.

C’est par les yeux et la voix de Betty que nous suivons le quotidien du clan Carpenter, chacun de ses membres se parant d’une dimension singulière et marquante : Leland, l’aîné fougueux ; Fraya, la grande sœur qui enterre des bocaux contenant des prières ; Flossie la coquette, fillette à la peau blanche et aux cheveux clairs qui rêve de devenir star de cinéma ; Flint, enfant doux aux yeux de vieillard inquiet, bègue et pétri d'angoisses... Betty est celle qui ressemble à son père. Elle en est même le portrait craché, ayant non seulement hérité de sa peau brune et de ses cheveux sombres, mais aussi de son imagination fertile et enchanteresse, qui lui fait écrire des histoires.

Et si l’intrigue est riche d’événements, de secrets et de mensonges (un peu trop, j’y reviendrai ensuite), c’est surtout la relation entre Betty et ce père dont l’auteure fait un héros inoubliable que j’en ai retenue.

Landon Carpenter est sans doute l’un des plus beaux personnages de père qu’il m’ait été donné de rencontrer. Un père qui n’a pas de photo de ses enfants mais a sculpté, sur une canne dont il ne sépare jamais, leurs visages et les symboles qui selon lui les représentent ; qui connait précisément le nombre d’étoiles que comptait le ciel la nuit où chacun d’eux est né. Doté de mains en or, et véritable encyclopédie des plantes et de leur usage médical, il leur a transmis son amour d’une nature à laquelle il parle avec ferveur. Il est aussi le chaînon qui les relie à leurs origines, qui s’est donné pour tâche de leur faire souvenir qu’ils descendent du clan Aniwodi, au sein duquel les femmes exerçaient une puissance ancestrale. Pour Betty, qu’il surnomme "ma petite indienne", il est celui qui ne lui dit pas ce qu'elle devrait vouloir, et qui surtout lui apprend à être fière de ce qu’elle est. Il est enfin celui qui crée, à chaque instant de leur vie, une mythologie familiale sur la base de récits mettant en scène leurs ancêtres, inventant des histoires et des légendes comme il respire, pour rassurer, émerveiller, instruire. Il est avec ses enfants d’une patience et d’une douceur infinie.

Tous, y compris Landon lui-même, ont besoin de croire à ces histoires, de "se raccrocher comme des forcenés à la pensée et à l'espoir que la vie ne se limite pas la réalité autour d'eux". Car en dehors comme au sein du cercle familial, la vie est dure, ponctuée de drames et de violence. A l’école, Betty subit le racisme et le rejet, les pires préjugés étant véhiculés par les enseignants eux-mêmes envers cette petite fille trop noire. A la maison, elle pénètre peu à peu les noirs secrets qui hantent les membres de sa famille.

L’écriture, à l’instar du monde imaginaire que crée quotidiennement Landon, véhicule une poésie légèrement fantasque qui compense les malheurs qui plombent le clan Carpenter. Le handicap de Lint, le traumatisme qui pousse la mère à des crises de violence et à des simulacres de suicides auxquels ses enfants ont fini par s’habituer, ne sont pas nommés, ou rapidement occultés. Jusqu'à un certain point… parce qu'il arrive à un moment où trop c'est trop, et l'accumulation de malheurs, non seulement finit par peser sur les épaules du lecteur, mais surtout par nuire à la crédibilité de l'intrigue.

Un avis mi-figue, mi-raisin donc, pour ce roman aux nombreuses qualités malheureusement amoindries par une surenchère de pathos.


Tout le monde, ou presque, en a déjà parlé, j’arrive donc avec un peu de retard, mais tant pis. Il faut absolument lire Betty de Tiffany McDaniel.

Betty Carpenter grandit dans la petite ville (imaginaire) de Breathed, dans les collines de l’Ohio, dans les années 60. Son père Landon est Cherokee ; sa mère Alka, blanche est d’une beauté renversante mais sa santé mentale est fragile. Betty vit avec ses deux sœurs, et ses trois frères.

Dans une petite ville où avoir la peau sombre l’expose à des brimades et des moqueries permanentes, Betty va tout apprendre d’un père qui lui raconte mille histoires. Mais elle va aussi découvrir toute seule les noirs secrets de sa famille, et les difficultés qu’il faut affronter quand on est femme, et métisse.

Les contes magiques de Landon, et l’écriture dans laquelle elle se réfugie souvent la feront grandir, perdre son innocence, mais garder son humanité.

Il y a tant à dire sur ce roman. Mais il y a une première évidence. Hormis les personnages récurrents bien connus des amateurs de polars, ils sont rares ces héros littéraires dont vous savez intimement qu’une fois rencontrés, vous ne les oublierez jamais. Pour moi il y a, entre autres, Dalva, le capitaine Achab, Colin et Chloé, Ender, Aureliano Buendia … Il y aura maintenant Betty et Landon.

Le roman commence lentement, presque tranquillement même si dès le début la violence et la noirceur sont là, évoquées, montrées, puis un temps oubliées. Je me suis demandé pendant le premier tiers pourquoi ce roman suscitait tant d’enthousiasme. Puis peu à peu, au fur et à mesure que Betty découvre le monde des adultes, noirceur et violence seront de plus en plus présentes, et j’ai compris.

Violence raciste, violence faite aux femmes, préjugés, obscurantisme, poids de la religion et des traditions les plus réactionnaires. Avec la tension qui monte, passée la moitié du roman, il vous sera très difficile de le lâcher. Attention, préparez-vous à une immersion totale, et gardez à portée de main la boite de mouchoirs. Tiffany McDaniel avec sa Betty va vous prendre aux tripes, vous retourner, vous bouleverser. Mais elle va aussi vous émerveiller, vous amuser, vous enrager, vous faire réfléchir.

C’est une langue magnifique, c’est cru et poétique à la fois, c’est terriblement terre à terre, et aussi magique que du Garcia Marquez (ce n’est pas un hasard si je parle d’Aureliano Buendia …), cela ne raconte que l’histoire d’une famille et pourtant il y a un souffle extraordinaire, c’est sombre et lumineux. C’est inoubliable.

Mais ce n’est pas entièrement une surprise. C’est quand j’ai vu le nom de Breathed, et que Betty fait allusion à un fait qui se déroulera plus tard dans la même ville, que je me suis aperçu que tout cela me disait quelque chose. Et pour cause. Tiffany McDaniel est aussi l’auteur du magnifique L’été où tout a fondu. A propos duquel j’écrivais : « Quelle claque. Quand on pense qu’il s’agit là d’un premier roman, ça promet pour la suite. Malgré l’ambition du sujet, tout est réussi, tout est maîtrisé à la perfection. »

Je ne sais pas si Betty a été écrit avant ou après L’été où tout a fondu, (il semblerait qu’il ait été longtemps refusé par les maisons d’édition, quelles truffes), toujours est-il qu’on peut dire avec certitude qu’on a là une romancière exceptionnelle.

Lisez Betty.

Voir plus d'avis
AUTRES LIVRES DE Tiffany McDaniel2
DOLPO RECOMMANDE4

Livraison soignée

Nos colis sont emballés avec soin pour des livres en excellent état

Conseil de libraires

et des sélections personnalisées pour les lecteurs du monde entier

1 millions de livres

romans, livres pour enfants, essais, BD, mangas, guides de voyages...

Paiement sécurisé

Les paiements sur notre site sont 100% sécurisés