les enfants du désastre Tome 1 Au revoir là-haut
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l’avis des lecteurs
Ma grand-mère est décédée il y a deux semaines.
Et si culturellement, entre nous deux, il y avait pas mal de distance, demeure qu’elle a été un pan important, pour ne pas dire essentiel, de ma vie et de mon éducation. Et faute d’avoir su trouver quoi dire à ses funérailles qui ne tombe pas dans le pathétiquement creux et prévisible, ne sachant pas lui rendre un hommage à la hauteur de ce qu’elle méritait réellement, je me suis dit qu’il fallait quand même que je fasse un geste, dans une mesure moindre, certes, mais quand même significative. En lui ménageant une petite place sur ce blog qui constitue une si grosse part de qui je suis aujourd’hui.
La seule idée que j’ai eue a été de fouiller dans sa bibliothèque. Parce que même si elle ne comprenait rien à ce que je faisais sur ce blog ou avec mes bouquins d’Imaginaire depuis des années et qu’elle ne craignait pas de me le faire comprendre, toute classique et cartésienne qu’elle était dans ses lectures ; elle ne faillissait pour autant jamais à me demander des nouvelles à propos de mes lubies. Je me suis dit que c’était un hommage sympa à lui rendre que d’essayer de tendre un pont entre elle et moi au travers d’un de ses bouquins.
Vous aurez compris que je n’ai pas pris un risque démesuré avec mon choix, mais si le geste se voulait sobre, vous comprendrez aussi que je ne voulais pas me retrouver bête avec un bouquin trop éloigné de mes goûts et de mes résistances non plus. À vrai dire, tomber sur ce roman précis était assez parfait : j’ai du voir le film 4 ou 5 fois à force de vouloir le faire découvrir à des proches au moment de sa sortie, je l’adore. Même si je me souvenais assez parfaitement de l’intrigue globale et de ses méandres, je demeurais curieux de voir ce que valait l’original, en version littéraire, tout à fait confiant dans sa qualité : tous les retours autour du travail de Pierre Lemaitre et de sa personne m’ont même rendu particulièrement optimiste (Coucou Maman !).
Et de fait : voilà un réputation qui n’est absolument pas usurpée, un prix Goncourt sur lequel je ne poserai pas le regard un peu dédaigneux et méprisant que j’y accorde habituellement. Pour tout dire, je suis très heureux d’admettre que ce roman est en tous points brillant.
C’est au moment de devoir expliquer et verbaliser l’évidence que ça va se compliquer, comme à chaque fois.
Mais essayons quand même, quitte à enfiler de jolies perles rhétoriques sur un joli collier de platitudes.
À la suite d’un assaut stupide lancé par un capitaine abject et ambitieux quelques jours avant l’Armistice, Albert Maillard et Edouard Péricourt réchappent vivants de la Première Guerre Mondiale, mais de peu. Le premier uniquement grâce au sacrifice héroïque du second, et ce dernier avec des séquelles terribles, faisant de lui une Gueule Cassée. Rendus sans le moindre égard à la vie civile, ils vont devoir tenter de composer avec leurs traumatismes et leur solitude nouvelle, leurs vies encore alourdies par l’ombre menaçante de ce capitaine qui leur a tant pris. À leur manière bien singulière, ils vont tenter de prendre leur revanche.
Première perle : quelle superbe histoire. Des fois, ça ne tient pas à grand chose de plus que ça ; des personnages captivants plongés dans une situation non moins intéressante, on mélange l’ensemble et on voit ce qui en sort. Ce ne serait que l’aventure rocambolesque d’Albert et d’Edouard, confrontés à ce salopard d’Aulnay-Pradelle dans un jeu de magouilles à distance, on tiendrait déjà quelque chose de fondamentalement cool. Mais par dessus ça, Pierre Lemaitre se permet assez tranquillement de redoubler son excellent concept de départ avec une étude de personnages et de mœurs absolument passionnante. Et là aussi, si ce n’était que le souffle d’ensemble de la distribution, le cisèlement magistral de chaque agent de cette histoire, j’aurais pu m’estimer heureux, découvrant avec chaque progression du récit les tenants et aboutissants de leurs psychologies et prises de décisions respectives ; me régalant de leurs complexités, qualités humaines et défauts, au sein d’un large et délicieux spectre d’une prodigieuse profondeur. Mais non ! En plus de ça, on a une couche supplémentaire d’applicabilité pour une bonne partie de ces personnages, parfois croqués en une seule phrase disant tout ce qu’il y a à savoir d’eux, et de ce qu’ils représentent aux yeux de l’auteur. Si cette histoire est extrêmement ancrée dans l’époque choisie par ce dernier, il parvient à en extraire un sens extratextuel fort évocateur, assez intemporel.
Ce qui m’amène à la deuxième perle : c’est féroce. Pas un chapitre sans son instant d’ironie mordante, attaquant à la jugulaire les sujets qui le méritent, entre l’inconséquence des classes dominantes, leur incompétence, leur morgue ou leur stupidité, ne réduisant leurs vies et leurs ambitions qu’à une ligne finale d’un bilan comptable ou à des rêves préfabriqués sans consistance ni panache. Et bordel, je dois bien le dire, ça fait un de ces bien, dans une œuvre si profondément réaliste, de lire des salopards montrés comme ce qu’ils sont, des escroqueries ambulantes, ne profitant que de leurs rares vraies qualités pour masquer tout le reste de leur médiocrité, prétendre à une excellence que la narration ne leur accorde faussement qu’au travers des yeux de leurs sbires ou autres nervis ; sans laisser le moindre doute à son lectorat sur la réalité des choses.
Tout comme il est assez rafraichissant, je dois bien le dire, de considérer un roman comme celui-ci se pencher avec un tel soin sur ses sujets les plus populaires, sans misérabilisme, mais avec également un certain sens de sa noblesse, si j’ose dire. Si les choses sont dures pour Albert et Édouard, Pierre Lemaitre ne le cache jamais, de la même manière qu’il montre les aspects parfois heureux de leur vie commune avec une flamboyance et une joie communicatives ; alors qu’à l’inverse, les chapitres consacrés à d’Aulnay-Pradelle sont toujours emprunts de rage, d’avidité et de frustration. J’ai peut-être trop été habitué à une perspective très bourgeoise sur nombre de récits situés dans des périodes ou des contextes similaires, adoucissant mon propre regard sur cette lecture ; mais n’empêche que j’ai trouvé l’axe choisi par l’auteur très juste.
Et de cet axe découle la troisième perle, peut-être la plus importante, et j’en suis le premier surpris : le style. La plus importante, parce que je pense sincèrement que sans l’usage merveilleux de l’art littéraire dont fait preuve Pierre Lemaitre, mes deux premières perles n’auraient pas eu le bénéfice de la moitié de leur brillance. Parce que cette même histoire, cette même perspective populaire, sans ce style délié, en indirect libre permanent, volant d’un point de vue à un autre, s’imprégnant à chaque paragraphe d’une langue différente, jouant d’ironie dramatique autant que d’ironie sardonique et acide, ça ne marchait simplement pas, ou a minima pas aussi bien. Il fallait ce jeu permanent de clins d’œil au lectorat et d’oralité pour exprimer parfaitement le cœur émotionnel et politique de ce récit, donner à chaque personnage sa part de grands moments et de phrases qui claquent. C’est bien simple : sans vouloir verser dans le bête compliment dérivatif, je dois bien dire que j’ai retrouvé du Pratchett dans Pierre Lemaitre, par moments. Alors pas tout le temps, évidemment, c’est pas exactement la même approche ni les mêmes ambitions ; mais s’il y avait un diagramme de Venn à tracer à un moment, j’aimerais bien qu’une intersection leur soit consacrée à tous les deux, au moins pour « l’imbécilité sphérique » d’un certain cuistre du roman, qui méritait ça et tout ce que l’auteur lui a réservé.
Et au final, oui, je ne vous apprends rien, ce roman est absolument formidable, dans ce qu’il tente, dans comment il le tente, et surtout comment il le réussit avec brio. Il parvient à cet idéal équilibre que je recherche toujours ardemment et que je vante aussi fort que possible à chaque fois que je le croise ; parvenant à exprimer toutes ses émotions et ses ardeurs avec une égale passion qui parvient à ce que tout sonne juste. On rit quand on doit rire, on pleure – enfin, façon de parler, pour moi – quand on doit pleurer, on serre les poings, on grince des dents : tout paraît vrai et absolument cohérent, on aimerait presque que ce ne soit pas de la fiction. Et Au revoir là-haut fait donc partie de ces romans que j’aime très fort parce qu’ils mettent en scène des choses et des gens qui n’existent pas mais qui existent, le temps de quelques heures d’abandon.
J’en suis doublement ravi. D’une parce que je me dis qu’ayant aussi aimé l’adaptation filmique de la suite de ce roman, je vais sans doute pouvoir me pencher sur ladite suite avec la même délectation.
Et de deux, parce que pour ce que ça vaut, je ne pouvais rêver meilleur hommage à ma chère mamie. Garder une part de mon amour pour elle à côté de mon amour pour un roman qu’elle a lu, ça leur tiendra chaud à toutes les deux.
Pour toujours.
La musique se vend comme le savon à barbe. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir ?
Préface
Léo Ferré
T’es pas vraiment un écrivain. Tu n’as écrit que des polars. Qu’à cela ne tienne on va te sortir du ghetto. On va t’extraire, t’extirper de la fange. Tu vas paraître enfin dans la lumière. T’es dans le trend mon ami. Un récit qui se déroule peu après la première guerre mondiale. T’as même pas idée. En plein Centenaire tu vas passer sans problème. T’es dans l’actualité coco ! Même Céline avec son voyage s'inclinerait pour te céder la place. C'est couru d'avance !
Arrange toi avec ça !
Tu vas changer de nom ? Non ! Alors faudra changer de maison d'édition. Y a des convenances à respecter. Bien sûr faudra créer une bonne couverture. Quelque chose de sobre, de digne, de bien chiant. Ca fera sérieux tu verras. On s’abstiendra de tout sous-titre infamant. Policier, thriller, roman noir. Faut pas déconner avec ça. Les étiquettes c’est important. On laissera une place pour le bandeau rouge et blanc. Un label à trois millions d'euros ! Un concept Galligrasseuil sur lequel s’aligne les autres maisons d’édition. A chialer tellement c’est beau.
Arrange toi avec ça !
Le contenu du livre ! Pas important. Un concept ça s’achète. Ca ne se lit pas ou si peu.
- T'as acheté le dernier Goncourt ?
- Ouais !
- Ca parle de quoi ?
- Heu ... j'l'ai pas encore lu.
Mais t’as du style. Vraiment. Et puis qu’à cela ne tienne on va les embrouiller, les enfumer. Dans des interviews tu les éblouiras. Ce qui au début t'es apparu comme un polar est devenu un roman classique. Invente des trucs de ce genre. Dis leur que tu t'es débarrassé des codes. Tu veux leur expliquer que t'as écrit un roman picaresque ? Ouais picaresque ! Ca sonne vraiment bien. Ca fait vraiment érudit. Tu te réclameras d’auteurs classiques. Maurice Genevoix, Jules Romain et Dostoïevski, c’est la grande classe !
Arrange toi avec ça !
En pleine lumière tu te dévoileras. On parlera de roman populaire. T'auras la larme reconnaissante. Tu citeras tes références. James Ellroy, David Peace, Bret Easton Ellis et William McIlvanney. Tu rendras hommage à la famille à laquelle tu as appartenu. De laquelle tu t’es émancipé. Tu leur dois bien ça. Tu remercieras ces dix vieillards pour leur geste de mansuétude. Accueillir le roman populaire dans le sérail littéraire. On s’incline. Le bon peuple s’agenouille devant tant de bienveillance. Mais évite de définir ton roman comme un polar ou un roman noir. Ce serait trop ! La sollicitude c'est bien mais faut pas en abuser. Bien sûr tu ne pourras pas faire comme ce jeune écrivain genevois. Déclarer ne pas avoir écrit un polar. Prétendre même n'en avoir jamais lu. Ce serait exagéré. Surtout pour un type comme toi qui en a écrit sept. Mais ça aurait été pas mal de dire un truc brillant comme ça.
Arrange toi avec ça !
Après bien sûr t'auras le triomphe emprunté. Mais tu posséderas enfin une stature. Tu feras partie de l'élite, des grands. Un vrai écrivain quoi ! Point de polémique. Tu te placeras au-dessus de la mêlée. A ton âge y a plus de pression. T'es libre, débarassé de tout préjugé. Tu parleras de tes projets. Une fresque. Ouais ! C'est bon ça, une fresque du style Balzac ou Zola. Merde mon gars ! Tu tiens vraiment quelque chose. Une fresque pour oublier tes frasques littéraires. Parce que désormais t'es dans la cour des grands. Tu vas pas renier ton passé, mais quand même. Bienvenue au Paradis. Dans les sphères supérieures des sociétés littéraires. Quelques regrets ? C'est pas grave. Tu feras une déclaration émouvante. Tu diras, à qui veut l'entendre que le polar par ton entremise a presque acquis ses lettres de noblesse. Presque !
Arrange toi avec ça !
Le livre commence la veille de l'armistice. Ce 2 novembre 1918, le lieutenant d'Aulnay Pradelle envoie deux hommes voir ce qui se passe sur le front allemand. On entend des coups de feu, ils meurent, ce qui provoque la rage des hommes et il les envoie prendre possession de la côte 113.
C'est qu'il a de l'ambition Pradelle, pas question que la guerre se termine sans y trouver la reconnaissance et l'étoffe d'un héros. Non, c'est maintenant où jamais qu'il faut prendre cette côte, cette victoire afin d'être promu et reconnu "héros".
Et tout commence sur un mensonge (le premier du livre), les soldats n'ont pas vraiment été abattus par l'ennemi, c'est un sacrifice, Pradelle les a un peu aidés.
Albert Maillard avance au front, tout à coup, il voit le corps de ses camarades et constate qu'ils ont des balles dans le dos... Pradelle n'est pas loin.
"Non mais il ne va pas me faire rater mon plan celui-là", se dit-il, il le pousse dans le trou d'un obus. Maillard essaie d'en sortir, cela glisse et un autre obus explose et l'enterre vivant. Tout semble fini pour Albert.
Pas vraiment. Arrive notre troisième protagoniste Edouard Péricourt, il trouve bizarre que Pradelle regarde le sol et non pas le front en avant, il sauvera Albert in extremis avant d'être grièvement blessé à son tour.
Je m'arrête ici, car vous avez les 3 personnages qui évolueront tout au long de cette histoire jusqu'en 1920.
A l'aube du centenaire de la première guerre, il ne s'agit en rien ici d'un xème livre sur le sujet, non, pas de batailles, de scènes de guerre, le livre commence juste après et Lemaitre nous entraîne avec lui dans le quotidien de ces soldats en fin de guerre, nous vivrons la démobilisation et le retour à la vie dite normale de nos héros.
J'ai été sensible à l'analyse psychologique des personnages, leurs relations, les liens créés par leur vécu, ce que l'amitié ou la faiblesse amène à faire pour l'autre par devoir, reconnaissance.
Nous verrons comment l'Etat et ses caisses vides se préoccupent beaucoup plus des morts pour la patrie que des survivants en leur laissant comme dédommagement une prime de démobilisation de 52 francs ou une vareuse...
Puis comment fragile, pour survivre on passe par des petits boulots minables de liftiers, hommes sandwichs pour quelques sous.
Comment on peut avoir tout perdu après la guerre : l'amour, celle qui était promise, son estime de soi, son honneur...
Comment certains sortiront leur épingle du jeu en imaginant une monumentale arnaque des cimetières, comment tirer profit de la peine, du souvenir des disparus.
Je ne veux pas en dire trop, si ce n'est qu'on est scotché du début à la fin dans le destin de nos héros, pas toujours moral, noir mais un récit mené de main de maître avec beaucoup de réalisme, une construction simple et percutante, une jolie fresque de l'époque, on attend une suite avec impatience. J'ai vraiment passé un grand moment.
Quatrième de couverture
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts...
Mon avis
Il est des livres comme ça, qui ne vous font pas envie et vous ne savez pas expliquer pourquoi. « Au revoir là-haut » est de ceux-ci. Pas le goût de le lire, peut-être parce qu’il allait parler de guerre, peut-être parce qu’un auteur de polars qui fait autre chose… est-ce que ça peut être pas mal, voire bon ? Ou alors, parce qu’un prix Goncourt, bof….
Bref, finalement, suite à de nombreuses insistances, je me suis lancée et une fois commencé, je ne l’ai plus lâché…Pardon Monsieur Lemaître…. pour mes a priori sans fondements…
Ce livre est superbe ! Sa galerie de personnages, les relations qu’ils établissent, les faits en toile de fond, tout est imbriqué à la perfection. L’écritures est intelligente, pointilleuse, équilibrée entre les descriptions de l’atmosphère, les dialogues, et les réflexions de chacun amenées avec doigté. Le style est limpide mais ne reste pas basique pour autant…. Les chapitres sont bien agencés et le sujet est intéressant. Derrière l’histoire de ces hommes, c’est celle de tous ceux qui ont vécu la guerre qui est évoquée. Quelle place la société pouvait-elle leur offrir à leur retour ? Comment, eux, pouvaient-ils vivre avec leur traumatisme ? D’autres thèmes, tout aussi importants sont évoqués : la rédemption, le respect des choix sexuels dans la famille, la tromperie, la médisance et bien d’autres encore…
J’ai beaucoup apprécié cette lecture et si d’autres, comme moi, hésitent, je leur conseille de foncer chez le libraire ou à la bibliothèque…
"Au revoir là-haut", c'est avant tout l'histoire d'une curieuse amitié entre deux hommes que tout oppose.
Albert Maillard a toujours été un être insignifiant. Rabaissé en permanence par une mère veuve et pétrie de certitudes, c'est l'anti-héros par excellence. Maladroit, lymphatique, indécis, peureux, Albert a la larme facile, et a tendance à littéralement se faire dessus dès qu'un supérieur hausse la voix à son encontre. Edouard Péricourt est, à l'inverse, de ces êtres fantasques et talentueux, chanceux à en devenir agaçants. Rebelle et sûr de lui, il a été élevé par un père exigeant et rigide.
Même leurs origines sociales les séparent : Albert, issu d'un milieu modeste mais laborieux, en a gardé une humilité qui passerait parfois pour de la mesquinerie, quand Edouard vient d'une famille fortunée et très en vue. Leurs routes se croisent sur le front de la Grande Guerre, et s'entremêlent, en novembre 1918, à quelques jours de l'armistice.
Un troisième homme est le catalyseur des événements qui aboutiront aux liens indéfectibles unissant Albert et Edouard. Le lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle, dernier-né d'une lignée aristocratique désargentée, n'a qu'une idée en tête : redorer le blason familial, et reconstituer la fortune dilapidée par ses ascendants. Arrogant, ambitieux, il est prêt à tout pour tirer profit de la situation.
L'attaque de la côte 113, une des dernières offensives lancées contre des allemands déjà quasiment vaincus, va bouleverser le destin de ces trois individus...
Nous les suivons durant la période d'après-guerre, souvent douloureuse et riche en désillusions pour les survivants des combats. Si quelques-uns, plus opportunistes, voire plus malhonnêtes, tel le lieutenant d'Aulnay-Pradelle, ont su tirer leur épingle du jeu, la plupart des simples soldats, à l'instar d'Albert et d'Edouard, sont laissés pour compte. Ceux qui, pour des motifs parfois fumeux, sont restés dans le civil au moment du conflit, font preuve d'un déni méprisant envers ces témoignages vivants de leur propre lâcheté, que l'on a en leur absence bien vite oubliés. Fiancées opportunistes ou impatientes ayant trouvé du réconfort auprès d'un quidam non mobilisé donc plus accessible, employeurs réticents à rembaucher ces hommes revenus détruits, diminués... privés de reconnaissance, atteints dans leur dignité, beaucoup d'anciens soldats, au chômage, vivotent, ayant recours, pour survivre, à de pitoyables expédients. Pour peu que la guerre leur ait de surcroît laissé des séquelles physiques, ils n'ont plus qu'à se cacher d'une société qui préfère occulter leur culpabilisante existence. Et en même temps, la nation exprime officiellement haut et fort sa volonté d'honorer ses morts, offrant des opportunités d'enrichissement à ceux qui, souvent sans scrupules, se lance dans le commerce de sépultures pour les cadavres enterrés sur le front.
Des milieux politiques et bourgeois aux bouges sordides des quartiers miséreux, Pierre Lemaitre dépeint avec une ironie mordante l'hypocrisie et la cruauté de cette période d'immédiate après-guerre. Et on ne s'ennuie pas un seule seconde à la lecture de ce roman pourtant dense.
Il faut dire que l'auteur est de ceux qui savent raconter des histoires, parce qu'ils maîtrisent ce fragile équilibre entre crédibilité et inventivité, entre fluidité et densité. La minutie avec laquelle il s'applique à dépeindre événements et protagonistes, la précision avec laquelle il déroule son intrigue, contribuent en grande partie à rendre son récit vivant. Ses personnages sont par ailleurs croqués avec l'impitoyable acuité d'un regard qui dénote sa capacité à faire preuve d'humanité sans tomber dans la complaisance, et avec une justesse propre à en convoquer promptement l'image dans l'esprit du lecteur.
Et puis... il y a ce ton, qui donne au récit tout son sel, cet accent parfois presque populaire qui confère à ce texte à l'écriture par ailleurs élégante humour et vivacité.
Une belle réussite !
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