Une putain d'histoire

Bernard Minier quitte les Pyrénées et le commandant Servaz pour un hommage réussi au thriller américain. Pour ceux qui n’aiment pas les séries, ce roman est un one shot qui permet de découvrir la plume addictive de l’auteur.

Direction Glass Island une île (fictive) au large de Seattle. Henry un lycéen de seize ans y vit depuis quelques années, élevé par deux mère, France et Liv. Ils ont beaucoup voyagé, toujours en train de fuir dès que les services sociaux ou l’école s’intéressent de trop près au garçon. Ses mères lui interdisent de mettre des photos sur les réseaux sociaux et lui demandent de faire profil bas. La situation se complique quand sa petite amie Naomi est retrouvée morte sur une plage le lendemain d’une dispute qui les a opposés sur le ferry qui les ramène du lycée, elle voulait faire une pause et lui a déclaré « qu’elle savait désormais qui il était ». Henry devient rapidement le suspect numéro un même s’il prétend n’y être pour rien. Il décide de trouver le vrai coupable avec l’aide de ses amis, car l’ile cache bien des secrets. A Washington, un politicien et magnat de l’informatique cherche son fils depuis seize ans, enlevé par sa compagne à sa naissance. Il utilise ses instruments de surveillance pour scruter le pays et le meurtre de Naomi lui met la puce à l’oreille. Il met son collaborateur sur l’affaire. On suit les deux intrigues en parallèle.

Comme d’habitude avec Minier l’intrigue est bien ficelée et nous tient en haleine du début à la fin, avec un retournement époustouflant, on croit avoir tout compris, mais on se rend compte que l’auteur nous a menés en bateau. Il n y a pas de temps mort, on peut bien déplorer quelques évènements peu probables, comme le fait que Henry s’enfuie à la nage en pleine tempête et en hiver (on est pas vraiment en Floride ! ). Dans certains polars, les invraisemblances sont gênantes, mais avec Minier, elles passent sans problème.

Ce thriller est très bien documenté, Minier s’est rendu sur place, a rencontré les forces de police locales etc. Il souligne dans les remerciements l’importance de séjourner sur les lieux d’un roman et non pas de n’y passer que 2 jours en touriste pressé, il compare en cela son approche de Hong Kong (M le bord de l’abîme) et celle de Michael Connelly (Les 9 dragons), et c’est vrai que c’est de l’eau et du vin.

Outre une intrigue totalement réussie, l’auteur aborde aussi des thèmes actuels comme l’emprise des réseaux sociaux, la surveillance électronique des citoyens, l’homoparentalité ou le passage à l’âge adulte. Les firmes technologiques ont un pouvoir incroyable sur les gens, qui ne s’en rendent souvent pas compte. Le mensonge et la manipulation sont un thème majeur de ce roman.