Les Furtifs
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l’avis des lecteurs
Après l’éblouissement qu’a été "La Horde du Contrevent", je ne pouvais pas en rester là avec M. Damasio. Et malgré les nombreux avis comparant à son désavantage "Les furtifs" à "La Horde...", malgré les signalements, même, d’abandons, j’ai décidé une fois encore de faire confiance à l'ami Jean-Marc. Et j’ai bien fait…
Alors oui, ma lecture des "Furtifs" a parfois été laborieuse parce que c’est un roman dense, voire par moments exigeant, et je garde une préférence pour La Horde, qui nous emmène dans un univers inédit, source d’un intense dépaysement. Mais c’est bel et bien un coup de cœur tout de même que j’ai eu pour ce roman d'une richesse inouïe.
2040. Les progrès technologiques dans le domaine de la défense militaire ont quasiment délivré le monde de tout conflit. Faut-il s’en réjouir ? Sans doute… ceci dit, le monde que nous fait explorer Alain Damasio -qui n’est pas si éloigné du nôtre, dont il n’est finalement qu’une extrapolation très fortement inspirée de l’orientation prise par nos modes de vie actuels- ne fait pas très envie. Les nations ont basculé dans la seule guerre mondiale résiduelle, celle des marchés. Les grandes villes de France, en faillite, ont été vendues à des multinationales, à l’instar d’Orange, où se déroule l’intrigue, rachetée par le groupe de télécommunications du même nom.
Les communes ainsi privatisées sont gérées selon ce que l’on pourrait comparer à un système de castes, la population se divisant en trois catégories de citoyens dont seuls les plus riches peuvent accéder aux territoires les mieux aménagés, les plus sécurisés de leurs villes, par ailleurs débarrassées d’une bonne partie de la population la plus pauvre grâce à la suppression des aides sociales.
C’est un monde où tout se paye -les services publics n’y sont plus qu’un lointain souvenir -, ultra digitalisé, efficace et aseptisé dont l’organisation sur le modèle de l’open-space permet une visibilité maximum. Tout -les déplacements, les communications, les émotions- y est scanné, tracé, par un système d’intelligence ambiante permettant à l’informatique d’essaimer partout : en plein air, dans les rues, sur le mobilier urbain, dans les services rendus aux habitants ou encore dans le système de gestion des transports. Il n’y a plus d’intimité ni d’anonymat, et le harcèlement commercial est constant.
Une dictature, en somme ? Pas vraiment, dans la mesure où ce système est majoritairement accepté, avalisé par les citoyens, car il répond à leurs rêves d’un monde bienveillant, attentif à leurs corps et à leurs esprits stressés. En les protégeant, en les choyant, en les assistant, en corrigeant leurs erreurs, il crée, par le confort et le bien-être qu’il procure, une addiction, et alimente l’engrenage d’un cercle vicieux. L’interfaçage extrême des rapports que les individus entretiennent avec leur environnement les coupe du monde, les réduit à n’être plus que des îlots dans un océan de données, provoquant un manque qu’ils compensent à l’aide d’encore plus de technologie, par le lien à des objets, en parlant à des dispositifs qui rassurent, et distancent en même temps davantage… Le repli dans ce techno-cocon qui offre l’absence de toute confrontation à la frustration plonge dans un état de béatitude passive, mortifère, et annihile toute imagination.
On compte pourtant quelques rétifs à ce mode de vie, les membres de rares communautés subsistant coupées de la technologie et entretenant des rapports non lucratifs, basés sur la bienveillance et la confiance, des activistes nomades qui parcourent la ville dans la clandestinité : tagueurs couvrant les murs de leur art ou squatteurs poétisant pour exprimer d’autres possibles par leur liberté joyeuse et transgressive.
Lorca Varèse a fait partie de ces "dissidents". Ce quadragénaire ouvert et liant a longtemps œuvré à la constitution de petites collectivités vivant détachées du système. Son ex-compagne Sahar s’investit quant à elle en faisant œuvre de "proferrance", dispensant en plein air -et illégalement- un enseignement gratuit et itinérant à ceux qui n’ont pas les moyens de fréquenter une école devenue hors d’atteinte.
Mais Lorca et Sahar sont séparés, leur couple n’a pas survécu au traumatisme de l’inexplicable disparition de Tishka, leur fille de cinq ans. Sahar, portée par la volonté de faire un deuil dont dépend sa survie, ne comprend pas la folle obsession de Lorca, persuadé que sa fille s’est faite furtive… dans l’espoir -insensé- de la retrouver, il a intégré Le Récif, seul centre spécialisé dans la chasse aux Furtifs, où il vient de terminer sa formation.
Nous y voilà enfin ! Car vous vous demandez surement, vous impatientant de ce long préambule, qui sont donc ces fameux furtifs…
Eh bien disons qu’ils sont eux aussi, intrinsèquement, des rétifs à ce monde d’ultra contrôle. Ce sont des êtres libres et invisibles, qui se nichent dans les angles morts de tout environnement, dans lequel ils se fondent avec une perfection qui relève de l’osmose. D’une mobilité inatteignable par l’homme, ils ont une faculté à surprendre, à innover, qui en persuadent certains qu’ils sont l’ultime étape de l’évolution du vivant, dont ils incarnent la forme la plus élevée car ils ont renoncé à la forme parfaite. Ils sont en tous cas les seuls êtres capables d’échapper à ce monde de l’hyper traçage, se métamorphosant sans cesse. Ce sont des forces, plus que des substances, et ils représentent l’essence de ce que de nombreux hommes ont perdu en se soumettant aux diktats de la technologie.
Pour beaucoup, les Furtifs ne sont qu’une légende urbaine. Mais bientôt, la rumeur de la preuve de leur existence les met en danger, car rien ni personne ne doit pouvoir se cacher…
J’en ai dit à la fois beaucoup et bien peu, et ce n’est qu’en le lisant que vous prendrez la mesure de ce roman foisonnant, à l’intrigue haletante, dont les thématiques, qu’elles soient sociétales ou individuelles -la perte, le deuil, l’amour parental- sont traitées avec sensibilité et profondeur. La forme est comme le fond d’une extraordinaire richesse, le texte étant porté par plusieurs voix, toutes singulières, l’auteur nous gratifiant d’une verve inventive et flexible mais parfaitement maîtrisée, quitte à se réapproprier les mots et à les tordre pour en faire dégorger le sens.
C’est beau et énergique, moderne et poétique, débordant de sons, de couleurs, d’émotions, comme une ode passionnée à la vie et à son imperfection, que menacent notre mépris du vivant et notre phobie de l’imprévisible.
"Parce que ce qui diffère brise la familiarité en nous, déconstruit nos certitudes et par là nous jette hors de nos égocentres, vers l’inexploré. Là où il nous faut inventer, prendre un étage de plus : grandir, en un mot".
Je l’avais acheté à sa sortie, et depuis je le gardais au chaud. Parce que je savais qu’il me faudrait du temps, et du temps avec de la disponibilité d’esprit. Et parce que je craignais aussi un peu d’être déçu. Au final, Les furtifs d’Alain Damasio est enthousiasmant, et bien plus que ça.
2040, dans la commune d’Orange. Lorca Varèse est un homme déchiré, en quête. Il y a deux ans, sa fille Tishka 4 ans a disparu de sa chambre une nuit sans laisser la moindre trace. Depuis sa femme, Sahar, proferrante, qui ne vit pas le deuil comme lui l’a quitté, et lui, le sociologue proche de tous les mouvements contestataires, a rejoint une unité d’élite de l’armée, le Récif, spécialisée dans la traque des furtifs.
Les furtifs, réalité ou légende urbaine ? Ces êtres vivants, qui ne laissent aucune trace, et échappent à une société où tous sont bagués pour leur plus grand bien, pour que des villes « intelligentes » et privatisées s’adaptent en permanence à leurs besoins, pour que les grandes firmes puissent leur proposer, toujours, le produit répondant à leurs attentes les plus secrètes. Les furtifs véritables maestros de la fuite et du leurre, visuel ou sonore, qui se pétrifient en de superbes sculptures, odes au mouvement, si jamais quelqu’un arrive à les voir. Les furtifs qui font fantasmer les résistants à l’ordre économique, et l’armée qui voudrait bien récupérer l’ADN de ces êtres quasi indétectables.
Parce que Tishka, le soir avant sa disparition a parlé à son père d’un animal avec lequel elle jouait, et qu’elle voulait rejoindre, Lorca s’apprête, au début du roman, à passer l’ultime test pour devenir chasseur de furtifs. Et Sahar qui voit dans son obsession un refuge dans la folie pour nier le deuil l’a quitté et ne lui parle plus depuis des mois.
Les furtifs existent-ils ? Qui sont-ils ? en quoi pourraient-ils changer la société ? Le genre humain ? Lorca et Sahar retrouveront ils Tishka ? Quelles sont les alternatives à la privatisation et au pistage de tous ? Et bien d’autres questions seront posées au long de plus de 700 pages.
J’avais à la fois tort et raison de repousser la lecture de ce roman. Raison d’attendre d’avoir une belle disponibilité, et à ce titre, le roman est vraiment un roman de plage, ce lieu où on a du temps, un cerveau reposé, le bruit hypnotique des vagues en fond sonore, et le soir pour discuter autour d’un verre. Et tort d’être inquiet, mais que voulez-vous, quand on attend depuis si longtemps …
Et puis je trouve que certaines critiques ne rendent pas hommage au roman en le présentant trop comme une analyse de notre société, une métaphore, une réflexion philosophique. Qu’il est évidemment. Mais c’est surtout une magnifique création littéraire, une histoire superbement contée, avec un talent inouï pour les scènes d’action (à ce titre un premier chapitre époustouflant vous met d’emblée dans le bain), un talent tout aussi remarquable pour vous remuer les tripes à vous en faire pleurer comme une madeleine, trembler ou trépigner de joie.
Donc n’ayez pas peur d’ouvrir un livre aride ou trop intello, il est généreux, emballant, fou, plein de suspens et de tension, sensuel en diable, fait l’éloge de la vie, de l’énergie, de la fête et des copains, vous donne envie de lire à voix haute pour profiter du travail sur la langue, et jouer avec les sons, les syllabes, les niveaux de langage pour rendre hommage à l’inventivité de l’auteur.
Et oui il est intelligent, exigeant parfois, même si avec une jolie malice l’auteur désamorce les tirades « professorales » de certains personnages philosophes ou linguistes et donnant toujours le point de vue de personnages qui ne comprennent pas ou se moquent. Donc il donne à réfléchir sans donner de leçons.
Il nous fait réfléchir à ce qu’on accepte dès aujourd’hui (pas besoin d’attendre 2040), pour un peu plus de sécurité, de confort, pour moins d’imprévu et d’inattendu. Et comment tout cela est parfaitement exploité par ceux qui en tirent du pouvoir, ou du profit, ou les deux.
Et quelle galerie de personnages ! inoubliables. Lorca et Sahar en premier lieu, mais aussi tous les autres. Avec pour moi une tendresse particulière pour Agüero, le meneur de la meute de chasseurs, argentin, qui passe parfois à sa langue natale avec une facilité et une justesse qui me font penser qu’Alain Damasio doit avoir des potes du côté de Buenos Aires (juste une remarque, la cachaça c’est brésilien, pas argentin …). Et tous les autres, humains et furtifs car oui, on peut le dire sans trop en dévoiler, ils existent vraiment.
Alors si ce n’est pas déjà fait, bloquez-vous quelques jours de tranquillité, et foncez sans hésiter, lisez Les furtifs.
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