Ceux du lac
  • Date de parution 19/08/2024
  • Nombre de pages 288
  • Poids de l’article 298 gr
  • ISBN-13 9782021560084
  • Editeur SEUIL
  • Format 206 x 144 mm
  • Edition Grand format
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Ceux du lac

3.70 / 5 (93 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Un père veuf et solitaire, une fratrie de six, un vieux chien nommé Moroï. À quelques kilomètres du centre-ville de Bucarest, les Serban habitent une cabane au bord d’un lac où la nature a depuis longtemps repris ses droits. Sasho, Naya et leurs frères grandissent en toute liberté, assumant le choix âpre et singulier d’une vie en marge. Jusqu’au jour où les autorités, pour créer une réserve naturelle, les somment de quitter ce coin d’eau et de terre. Face à l’hostilité du monde, reste alors une ultime promesse, lumineuse : celle faite par Sasho à sa petite sœur Naya de marcher sur les traces des bisons des Carpates.Inspiré d’une histoire vraie, Ceux du lac raconte l’impossible adieu d’une famille tsigane à un royaume désormais interdit. Au cœur des contradictions de la Roumanie contemporaine, l’auteure interroge notre rapport au vivant et explore le cynisme d’une époque qui expulse au prétexte de préserver.Convoquant tour à tour le réalisme et l’onirique, le burlesque et le tragique, la poésie et le folklore, Corinne Royer écrit un roman brûlant, porté par un amour profond de la nature et des mots, qui bouscule notre lien à l’autre et au sauvage.Corinne Royer vit dans le parc naturel du Pilat, au sud de Saint-Étienne. Après cinq ouvrages, dont Pleine terre (Actes sud, 2021), lauréat du Prix du livre engagé pour la planète, Ceux du lac est le premier roman qu’elle publie aux Éditions du Seuil.

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  • Date de parution 19/08/2024
  • Nombre de pages 288
  • Poids de l’article 298 gr
  • ISBN-13 9782021560084
  • Editeur SEUIL
  • Format 206 x 144 mm
  • Edition Grand format

l’avis des lecteurs

Les combats de la tribu Șerban

Corinne Royer nous propose un voyage en Roumanie, au sein d’une famille de tsiganes installés au bord d’un lac, non loin de Bucarest. Faisant suite à « Pleine terre », ce roman creuse le sillon de l’attachement à la terre, à la modernité destructrice et aux croyances toujours vivaces au pays des Carpates.

Sasho était l’aîné. Il avait dix-sept ans. C’était le premier fils des Șerban. Après lui venaient Marcus, 15 ans, et Ruben 14 ans, mais il « était de loin le plus têtu et le plus intrépide. C’étaient les Șerban du milieu ». Ceux placés entre l’aîné et les jumeaux Aki et Zoran, 12 ans. À ces cinq frères, il convient d’ajouter leur sœur Naya. Une fratrie qui vit non loin de Bucarest avec leur père et leur chien Moroï. Ils ont construit une cabane en pleine nature, sur un delta qui leur offre de quoi vivre de chasse et de pêche ainsi que des animaux sculptés par le chef de famille. « Une vie choisie, défendue, voulue ainsi, âpre et sauvage, parfois féroce ; loin des rythmes endiablés de la ville, mais également loin des appartenances claniques avec leur lot d’allégeances aux barons qui régentaient partout les communautés tsiganes. Les Șerban n’étaient ni d’un monde ni d’un autre. » Mais cette singularité inquiète leur tante Marta qui s’était exilée en France en 1964 pour y faire des études de lettres. Elle leur apprend à lire, encourage Naya à suivre son rêve d’être footballeuse et veut scolariser ses frères, encouragée par l’assistante sociale.

Mais c’est un autre fonctionnaire qui va bousculer leur quotidien, celui qui vient leur présenter le grand projet de réserve naturelle « Un grand projet, oui, l’Europe, comme on vous l’a déjà dit, monsieur Șerban, l’Europe sera de la partie, il faut bien financer ! Des sentiers pour les piétons et un long circuit praticable à vélo avec des postes d’observation. On pourra accueillir des enfants, des touristes, tout ça aux portes de Bucarest, un modèle de réserve naturelle urbaine aux yeux du monde. Bien sûr, il faudra détruire la cabane et déménager, la faune a besoin de calme pour se reproduire, et il faut bien rendre tout ça parfaitement propre, vous comprenez, monsieur Șerban, vous comprenez ? Madame Ponor vous trouvera un logement en ville et vos enfants iront enfin à l’école, les plus grands pourront travailler pour la réserve, pourquoi pas, hein, monsieur Șerban, pourquoi pas ? »

Le père a beau expliquer qu’attirer les touristes sur une zone vierge ferait bien davantage de dégâts que leur cabane, ils doivent se résoudre à quitter leur cabane pour une nouvelle vie qui ne saurait leur convenir.

C’est à partir d’une histoire vraie que Corinne Royer a construit son nouveau roman autour de son thème de prédilection, à savoir l’attachement à la nature que l’on trouvait déjà dans Pleine terre. On y ajoutera ici les préjugés autour des Tsiganes, la dépossession, les illusions de la modernité et le poids des traditions. Car en Roumanie, il y a toujours un peu de sorcellerie ou de croyances dans le quotidien post-communisme. Et face au mal, il reste la poésie et l’amour. C’est ainsi que le roman est scindé de voyages en train qui donnent l’occasion de livrer un ressenti, toujours en vers libres. Ils disent l’adversité, la violence et les drames qui frappent les Șerban, mais aussi leurs espoirs et leurs rêves.

Sasho va les déposer dans les bras de Monica, la femme aux attraits irrésistibles : « Ses seins étaient aussi lourds que ceux de tante Marta, sa taille était fine comme les silhouettes des hérons, et sa chevelure rousse pareille au poil des renards. Sa bouche avait le contour sombre et l’humidité des sous-bois. »

Avec elle, il va s’évader, se dire que tout n’est peut-être pas perdu. Qu’il était temps de tenir sa promesse et d’aller voir les bisons des Carpates…

Le roman s’ouvre sur une immersion en eaux sombres. Un baptême, une noyade, une fuite, un mirage ? Un homme à la tête de chien s’ébroue et se débat, flatte et fracasse les flots. Déjà s’impose une écriture amphibie, tout aussi mouvementée que maîtrisée, qui coulera de source jusqu’au bout. Pleine d’alluvions, de toxicité, tantôt limpide, parfois emportée, mais toujours rutilante et déterminée, comme la rivière de Roumanie imprégnant chaque page.

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