Le petit commerce de l'indépendance: Une sociologie de la librairie au début du XXIe siècle

Les librairies indépendantes sont l'objet d'une attention croissante : valorisées dans les médias, plébiscitées par leur clientèle, soutenues par les pouvoirs publics, portées enfin par de nouveaux profils de libraires, elles bénéficient d'un statut particulier parmi les commerces culturels. On a pu penser les librairies physiques menacées de disparition par l'efficacité des algorithmes de recommandation. Elles voient pourtant leur rôle réaffirmé en ce début de XXIe siècle, sous des modalités renouvelées que cet ouvrage propose d'étudier. Confrontés à la concurrence de la vente de livres sur Internet, les libraires indépendants ont misé sur le conseil et la singularité de l'expérience en magasin. Ils doivent une grande part de leur réussite à la mise en avant d'une identité « indépendante » qui, au-delà du flou la caractérisant, constitue une ressource pour défendre des positions menacées. Les librairies représentent ainsi bien plus que des lieux où acheter des livres. Certaines fractions du public y voient un refuge contre les dérives du capitalisme mondialisé et le « tout numérique ». Leur succès participe de la montée en puissance de modes de consommation alternatifs, plus « authentiques » et incarnés. Le livre s'appuie sur une enquête menée en France et en Grande-Bretagne, l'un des marchés du livre les plus dérégulés au monde. Il mobilise un vaste matériel empirique (entretiens, observations, corpus médiatique). Il met en valeur des traits communs à l'évolution du commerce du livre des deux côtés de la Manche. Le cas des librairies indépendantes renvoie finalement à une question centrale : les commerces physiques continuent-ils d'incarner un modèle désirable et viable d'accès aux livres ?