La loi de la tartine beurrée

Quand les emmerdes volent en escadrille

Dans ce roman aussi drôle que malin, J.M. Erre met aux prises un couple de psy avec leur histoire récente, confrontée avec la loi de Murphy, celle des ennuis inéluctables. Une jolie rencontre avec l’inconscient.

Quand il se réveille ce matin-là – il est déjà près de midi, tout de même – Jean-Luc Godart n’a plus vraiment la conscience claire. Il répond bien aux sollicitations des centres d’appel qui le harcèlent, mais peine à comprendre pourquoi son salon est dans un tel désordre et pourquoi il porte un soutien-gorge et une petite culotte en dentelle sur la tête.

La pendaison de crémaillère organisée la veille, et passablement arrosée, n’est sans doute pas étrangère à leurs idées floues et au désordre ambiant. À la stupéfaction du couple, une tartine beurrée est même collée au plafond.

Mais l’urgence du moment est ailleurs. Un plombier arrive, affirmant avoir été sollicité pour déboucher des canalisations bouchées. Si Jean-Luc ne se souvient pas avoir fait appel à ce professionnel des tuyaux et conduites, il va le laisser agir…

Une intervention qui va donner lieu à une facture salée. Mais entre les arguments des deux parties arrive un livreur de pizzas, lui aussi pas forcément sollicité, surtout pour une commande d’une quinzaine de ces spécialités culinaires italiennes. Le mystère s’épaissit pour le psy, auteur d’un livre de développement personnel dont le titre est tout un programme : Les emmerdements ne volent pas forcément en escadrille. Mais ni son savoir, ni celui de son épouse, également psy (qui contrairement à son mari peut se targuer d’avoir fait des études de médecine) ne vont permettre d’éclaircir ces visites intempestives, d’ailleurs bientôt suivies par les « messieurs d’Emmaüs » venus débarrasser l’appartement de quelques meubles, puis d’un policier.

Avec beaucoup d’humour, J.M. Erre nous offre cette illustration de la loi de Murphy qui veut que « Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal ».

On se régale à suivre les enchaînements de catastrophes jusqu’à l’épilogue dans lequel on va retrouver la fameuse tartine beurrée.

Reste que cette fable désopilante et cruelle, dans laquelle J.M. Erre explore avec sa verve coutumière un univers où la malchance règne en maître, interroge la vacuité de nos certitudes et l’absurdité du destin. Une mécanique burlesque où le rire se teinte d’une douce mélancolie.

Cette visite de l’inconscient est aussi une joyeuse façon d’analyser le vie de couple, l’état d’esprit au sens premier du terme. Et si J.M. Erre avait réussi là où son personnage principal a échoué ? Nous livrer des clés pour relativiser nos petits ou moins petits tracas qui viennent quelquefois déranger nos existences.