La Terre des égorgés

Avec La Terre des égorgés, Armand Clery nous plonge au cœur d’un hiver 1814 glaçant, dans une France en transition, où la peur rôde autant que le froid. Des cadavres atrocement mutilés sont découverts dans la région d’Orléans. En pleine restauration monarchique, le retour des Bourbons s’accompagne d’un climat de terreur où l’on murmure qu’un loup démoniaque, une « bête au diable », serait revenu frapper.

Le jeune naturaliste Adelphe de Mézières refuse l’hypothèse simpliste du loup tueur. Il sent que quelque chose cloche. Des forces bien humaines semblent profiter de la peur : un prédicateur fanatique, un groupe de conspirateurs antiroyalistes, et même une mystérieuse femme rousse, veuve du bourreau, que l’on accuse de sorcellerie. À ses côtés, Carolange, peintre animalière brillante et indépendante, questionne les croyances dominantes et bouleverse les certitudes.

Ce roman, à la fois fresque historique, enquête policière et thriller psychologique, dresse un portrait saisissant de la société française à la fin du Premier Empire. Clery recrée avec virtuosité les ambiances d’époque : masures de paysans, salons bourgeois, ruelles d’Orléans, sermons enflammés et complots politiques. Il manie avec brio le vocabulaire d’époque, ponctué d’expressions populaires savoureuses, sans jamais alourdir la lecture. Chaque phrase semble ciselée, rythmée, au service d’une atmosphère immersive. On y ressent le poids des silences, le craquement des planchers anciens, le froid qui mord les chairs. Son écriture, soignée et exigeante, emprunte autant au souffle narratif du roman classique qu’à la précision évocatrice du récit historique.

Au-delà de l’intrigue captivante, La Terre des égorgés interroge les mécanismes de la peur, les manipulations idéologiques et la place de la science dans une société superstitieuse. Un roman puissant, ancré dans l’Histoire mais profondément actuel.

Une lecture sombre, immersive, et brillante que l’on referme avec le sentiment d’avoir traversé un monde hanté par ses fantômes… et les nôtres.