
Au café de la ville perdue
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l’avis des lecteurs
Ariana a grandi à l’ombre du 14, rue Ilios. Sa famille a perdu cette maison pendant l’invasion de Chypre en 1974, lorsque l’armée turque a entouré de barbelés la ville de Varosha. Tandis qu’elle débarrasse les tables du café de son père, elle remarque une jeune femme en train d’écrire. L’étrangère enquête sur cette ville fantôme, mais bute contre les mots : la ville, impénétrable, ne se laisse pas approcher. Au même moment, Ariana apprend que son père a décidé de vendre la maison familiale. Sa stupeur est grande, d’autant plus que c’est dans cette demeure qu’ont vécu Ioannis et Aridné, ses grands-parents. Se défaire de cet héritage, n’est-ce pas un peu renier leur histoire?? Car Ioannis était chypriote grec, Aridné chypriote turque, et pendant que leur amour grandissait, l’île, déjà, se déchirait. Ariana propose dès lors un marché à la jeune écrivaine : si elle consigne la mémoire du 14, rue Ilios avant que les bulldozers ne le rasent, elle l’aidera à s’approcher au plus près des secrets du lieu. Page après page, Varosha se laisse enfin déchiffrer et, avec elle, la tragédie d’une île oubliée.
Ma lecture
L’eau des vagues cingle son visage, avale ses cris. Il lutte, puis finit par se taire. Une infirmière s’approche pour l’éloigner du bord, le mettre à l’abri. Il voudrait lui dire que ça ne sert à rien. Son port d’attache n’existe plus, Varosha n’est plus qu’un mot brodé de barbelés. (p174)
Ce troisième roman est pour moi la confirmation du talent d’Anaïs Llobet. Après Des Hommes couleur de ciel que j’avais beaucoup aimé, elle nous convie sur l’île de Chypre où elle vit et qu’elle a choisi comme toile de fond pour évoquer son thème de prédilection : l’exil mais également la perte, l’arrachement à ses racines, réussissant, une fois de plus, à nous entraîner dans un récit qui mêle habilement histoire, famille, politique et amour.
Ce j’ai particulièrement aimé c’est l’originalité de la construction utilisée par l’auteure mêlant sa propre histoire, celle d’une écrivaine en recherche des éléments nécessaires à la rédaction de son prochain roman (personnages, lieux, complexité géo-politique d’une terre divisée entre plusieurs pays et cultures : grecque, turque et chypriote) et cela sur plusieurs générations. Installée au café Tis Khamenis Polis (le café de la ville perdue) tenu par Andreas et sa fille Ariana, elle comprend que c’est dans ce lieu qu’elle va trouver l’inspiration et la trame de son récit, parmi ces gens qui ont vécu cette tranche d’histoire ou qui en sont les descendants, devenant ainsi les acteur(trice)s d’une occupation territoriale par la force et les porteur(se)s des sentiments de chaque camp.
Au fil des échanges avec Ariana elle va trouver sa source d’inspiration à travers un lieu qui n’est plus qu’une ruine, une maison située au 14, rue Ilios à Varoscha, ville fantôme depuis l’invasion turque en 1974. Elle va y planter la lignée de ses occupants (comme le montre l’arbre généalogique sous forme d’un figuier figurant au début du livre et qui est bien utile je dois l’avouer) pour évoquer le drame d’un pays divisé, déchiré entre plusieurs communautés, celle d’Ariana, intimement mêlée à l’histoire de son pays et d’une ville aujourd’hui disparue.
Une nouvelle fois Anaïs Llobet explore le domaine de l’exil mais cette fois-ci quand celui-ci n’est pas au-delà des mers mais sur sa propre terre, quand l’arrachement à ce que vous avez de plus cher est à quelques kilomètres, derrière des barbelés infranchissables, sous la surveillance de l’armée d’occupation sans possibilité d’y retourner, un lieu où tout a été abandonné dans la précipitation, figé dans le temps et disparaissant peu à peu.
Une exploration pour laquelle elle a choisi de prendre le chemin le plus complexe et qu’elle réussit parfaitement à maîtrisé donnant à son récit un intérêt à multiples niveaux. L’histoire d’un conflit, des ressentiments des différentes communautés, de leurs confrontations anciennes et actuelles mais également comment s’élabore son roman permettant ainsi de voir les différentes étapes de sa construction, les pistes envisagées, les notes prises pour la cohérence de son récit, mais également les impasses où l’auteure se trouve parfois par manque d’éléments ou de pistes pour aborder des faits dont les blessures et cicatrices sont encore apparentes. Alors elle observe, questionne, écoute et comprend que c’est dans le café Tis Khamenis mais également grâce aux liens qu’elle noue avec ses occupants qu’elle parviendra à imaginer et comprendre ce qui anime encore certains.
C’est une histoire ou l’amour tient le rôle principal car nous sommes dans le bassin méditerranéen et la tragédie n’est jamais loin : tragédie humaine mais également amoureuse, celle d’un pays perdu, de rivalités et de pouvoirs pour arriver sous le couvert de double jeux à assouvir sa jalousie, où les silences et les absences hantent encore les lieux et ceux qui y sont restés. Comprendre son attachement à une terre, trouver sa place, être romancière et transmettre les dédales d’un conflit complexe, faire le lien entre réalité et fiction afin de dresser un portrait cohérent de l’attachement à une terre, d’une île convoitée par son emplacement stratégique.
L’originalité de la forme, de la construction peut dérouter dans un premier temps mais elle m’a séduite au fil des pages car cela a rejoint ma curiosité à savoir comment un roman se construisait. Je me suis attachée aux différents personnages, surtout féminins représentantes qui sont ici les figures emblématiques de la force, même quand elles sont bafouées, leur ténacité à perpétuer les traditions de leurs racines, qu’elles soient turques, grecques ou chypriotes, endossant parfois le lourd fardeau de l’étrangère mais également à découvrir
Je ne connaissais que peu de choses sur l’histoire de cette île et ai trouvé, à travers une forme romanesque, une histoire où la douleur de l’arrachement à une terre se transmet de génération en génération, même si d’autres quartiers ont été construits, ils ne remplaceront jamais, dans le cœur de ceux qui les ont habités, le lieu originel qui leur a été arraché. A travers la quête d’un lieu c’est la quête de soi-même à travers ses racines et quand un arbre est arraché c’est également ses racines que l’on arrache rendant la disparition définitive.
Certes, grâce à Giorgos, Ariana et peut-être aussi Andreas, j’étais parvenue à m’approcher au plus près de Varosha. Mais la contrepartie m’apparaissait de plus en plus insurmontable : cette obligation d’ériger mon roman en linceul pour le 14, rue Illios, d’être fidèle à ses murs et son jardin même si mes personnages s’y sentaient à l’étroit. (p177)
J’ai beaucoup aimé pour l’originalité de sa construction, pour la manière dont l’auteure évoque à travers l’histoire d’un pays une histoire familiale brisée, son attention aux silences, aux blessures inavouées et à l’attachement à une terre perdue.
Le mariage impossible
Pour son troisième roman, Anaïs Llobet s’est installée à Chypre. Dans Le café de la ville perdue, elle suit une famille au destin brisé, elle nous raconte le drame d’un pays toujours déchiré. Celui d’une impensable réconciliation.
Il fallait bien un jour qu’Anaïs Llobet s’arrête à Chypre. Car, comme dans ses deux premiers romans, Les mains lâchées et Des hommes couleur de ciel, elle a choisi de mêler son métier de journaliste à celui de romancière pour retranscrire la réalité, la mettre en perspective, lui donner chair en l’habillant de personnages qui racontent leur histoire.
Oui, cette île déchirée, que se disputent chypriotes turcs et grecs, était faite pour elle. Et son poste d’observation ne pouvait être mieux choisi, le Tis Khamenis Polis, le café de la Ville perdue. C’est là que Giorgos a rassemblé les souvenirs de Varosha, la ville devenue fantôme après l’invasion turque de 1974. Le vieil homme a accroché au mur la carte de la ville, «épinglant tout autour les photos d’anciens habitants, pour la plupart décédés. L’une d’elles était encadrée, avec une fleur séchée glissée entre le bois et la vitre: Eleni, dont le regard ne quittait jamais Andreas derrière le comptoir.»
Car Giorgos, même s’il ne faut pas croire toutes les histoires qu’il raconte, est le garant de la mémoire familiale et au-delà de cette ville vouée à accueillir les touristes du monde entier. Les hôtels poussaient alors comme des champignons et les plus grandes stars d’Europe et d’Hollywood s’y pressaient. On y a même tourné des films comme Exodus, avec Paul Newman.
«L’armée turque, en 1974, n’a pas mené une invasion, mais deux. La première, le 20 juillet, a été déclenchée cinq jours après un coup d’État perpétré contre le président Makarios, événement téléguidé depuis Athènes et qui, selon Ankara, menaçait la sécurité des Chypriotes turcs. Les troupes turques ont alors déferlé sur l’île avant de ralentir leur progression à la faveur d’un cessez-le-feu. Le 23 juillet, les bombes ont plu sur Varosha. (…) Le 14 août, les tanks turcs ont repris leur marche. Le lendemain, Varosha était abandonnée à l’ennemi. C’était une conquête précieuse, une otage ravissante. L’armée turque l’a enveloppée d’un manteau de ferraille et a placé son cœur sous cloche. Les mois suivants, beaucoup de réfugiés ont tenté de se faufiler dans Varosha pour récupérer les bijoux enterrés à la hâte dans le jardin, les albums photos oubliés sur les étagères. Aucun n’est revenu vivant.»
Anaïs Llobet a choisi un excellent système narratif pour nous permettre de comprendre les enjeux d’un conflit qui s’éternise. Elle alterne les chapitres qui se déroulent au moment de son enquête, de l’écriture du livre et ceux qui nous replongent dans les années 60, au moment où s’érigeait la station balnéaire, au moment où Ioannis, le fils de Giorgos choisissait pour épouse Aridné, une chypriote turque. Une union qui sera scellée malgré les mises en garde et les réticences des deux familles. Et en 1964, le couple emménage au 14, rue Ilios. Cette maison dont la journaliste a choisi de consigner l’histoire afin qu’elle ne disparaisse pas, maintenant qu’elle a été vendue, détruisant par la même occasion le rêve de l’habiter à nouveau une fois le conflit résolu.
En nous livrant la chronique de ces années difficiles, de 1964 à 1974, qui vont déboucher sur un conflit ouvert, Anaïs Llobet raconte d’abord celle du mariage impossible, de la promesse intenable de faire cohabiter chypriotes grecs et orthodoxes et chypriotes turcs et musulmans. À l’image d’une mer en furie qui sape une falaise, Giorgos ne va pas manquer une occasion de harceler Aridné jusqu’au drame, jusqu’à l’éclatement de ce couple symbolisant le pays. «Chypre ressassait sa douleur, refusait de panser ses plaies. Les check-points auraient dû faire office de points de suture mais ils ne suffisaient pas. Les deux faces de l’île continuaient à vivre comme si l’autre n’existait pas.»
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