Bambine

TTT - Très Bien "Entre Georges Perec et Agota Kristof, avec une application expérimentale qui s’impose très vite comme un sixième sens omniscient, Alice Ceresa met au jour la ruine intérieure, les manques béants et les indignations rentrées. « Je n’écris pas pour écrire, mais parce que je dois. C’est pourquoi je procède très lentement, parce que je ressens l’exigence d’un langage précis, presque mortel », disait-elle. Faite de rouages complexes en mouvement infernal, sa langue volontairement mécanique et pourtant tout sauf déshumanisée frappe par sa grande intelligence. Ses phrases avancent comme un rouleau compresseur régulier, net, impitoyable, à l’image de celui qui écrase la femme jusqu’à la faire « disparaître comme entité indépendante ». Seul Monsieur s’autorise un petit couplet de plaintes, ordres et insultes, sur un ton qui tranche avec le reste du livre. Un comble, qu’Alice Ceresa orchestre par surprise au détour d’un paragraphe, pour mieux dénoncer cet abus de pouvoir. Elle peut aussi soudain faire mourir un bébé, petit garçon indésirable dont la disparition est une vengeance du destin féminin, aussi sournoise que tragique. Et bâcler sa fin, comme si le combat était perdu d’avance. Autant d’exemples de l’originalité ahurissante de cette écrivaine qui revendiquait un « ostentatoire détachement », mais suscite un indéfectible attachement."