Tous les silences

Ce roman suit une double temporalité, d’une part en hiver 1941 et d’autre part en 2019. Albert, un vieux monsieur de 97 ans se fait agresser dans le parc de sa maison de retraite, son infirmière fait fuir les malfrats. Il est transporté à l’hôpital où Jari Paloviita empêche de justesse un faux médecin de l’étouffer. Le vieil homme dit ne pas comprendre la raison de cette agression, qu’il s’agit certainement d’une erreur. Jari et ses collègues ne comprennent pas qui peut en vouloir à un vieillard gentil et bien entouré par sa famille, ancien banquier. Le lendemain un autre homme tout aussi âgé et handicapé se fait enlever dans sa maison et on le retrouve pendu peu après. La police est perplexe, mais la forme particulière du noeud coulant met Henrik Oksman sur la piste du Mossad, mais que vient-il faire dans cette affaire ? Les policiers enquêtent sur le passé des deux hommes à la réputation au-dessus de tout soupçon.

En parallèle on suit la vie de ces deux hommes en 1941, ainsi que celle de leurs camarades, ils ont alors dix neuf ans et sont des vétérans de la guerre d’hiver. Après celle-ci, des jeunes volontaires Finlandais ont été envoyés en Allemagne pour se perfectionner dans le maniement des armes. Ils ont intégré un groupe de SS, non par idéologie fasciste mais parce qu’ils ont le même ennemi : les communistes russes. Les meilleurs d’entre eux sont envoyés sur le front russe dans des conditions épouvantables qui les obligeront à participer aux exactions pour assurer leur propre survie avant d’être rapatriés au printemps 1942 grâce aux relations de leurs parents.

L’auteur se mue en historien pour présenter les faits et la vie sur le front sans jugement de valeur. Si les jeunes n’ont pas de penchants sanguinaires au début, ils seront pris dans un engrenage. Plus tard Albert a toujours nié avoir participé à des massacres, toutefois l’agent du Mossad transmet un document à Jari qui lui donne à réfléchir. Après la guerre, le silence a régné sur cet épisode peu glorieux de l’histoire finlandaise, plusieurs de ces soldats rapatriés ont reçu une nouvelle identité et ont intégré l’armée de Carélie. D’ailleurs nos trois héros récurrents Jari, Henrik et Linda ne savent rien de cette période, ils doivent enquêter pour déterminer si Albert et l’autre victime sont des coupables ou des victimes. L’auteur ne tranche pas, certes ils ont participé à des massacres, toutefois ils ne sont pas partis dans ce but, mais pour assurer de meilleures chances à leur pays face à l’agresseur soviétique, ils voulaient devenir des soldats d’élite et ont été pris par les évènements.

Les deux parties sont passionnantes et l’auteur réfléchit sur cette période dérangeante, sur les raisons du silence voulu par l’Etat finlandais, qui a toujours cherché à cacher ces drames sous le sceau du secret défense. D’ailleurs Jari est confronté à un dilemme par l’agent du Mossad

On en apprend plus sur Linda mais le personnage principal de cette enquête est de nouveau Jari. Sa vie familiale est toujours aussi difficile, son beau-père estime qu’il n’est pas à la hauteur et un évènement pousse le policier à se rendre compte que rien ne pourra sauver son mariage, même si pour le moment le couple ferme les yeux sur cette réalité qui l’effraie. Jari prend conscience qu’il n’est pas toujours l’homme aimant et le père attentionné qu’il devrait. Il y a un parallèle entre Albert et Jari, toute proportion gardée.

Ce roman parle de la culpabilité, de la honte, du mensonge mais aussi de la rédemption et de la possibilité de reprendre sa vie et d’essayer d’en faire quelque chose de bien. Aussi de l’aveuglement des autorités qui ont préféré cacher la poussière sous le tapis. Albert a réussi à cacher son passé et à devenir un homme bien, l’auteur se pose aussi la question de la souffrance que ces révélations causeront à ses proches, comme si la guerre continuait de faire des victimes 80 ans plus tard.

Cette série est vraiment excellente et je ne vais pas manquer de lire bientôt le dernier tome paru il y a peu.

TT - Bien "Avec ce vrai-faux polar historique finement composé – malgré une intrigue quelque peu prévisible –, Arttu Tuominen confirme son talent dès qu’il s’agit d’esquisser des personnages ambivalents, dans lesquels se reflète toute l’ambiguïté d’une société… et de son histoire."