L'Inconnu de la forêt

Un début sur les chapeaux de roues avec un extrait de la North Jersey Gazette du 18 avril 1986 où l’on relate l’abandon d’un enfant sauvage trouvé dans la forêt, on parle même de « Mowgli vivant ». Dire que j’étais déjà bien appâtée serait un euphémisme. On passe ensuite à l’histoire de Noémie qui vit un harcèlement dans son école mené par Crush le garçon populaire et friqué qui fait d’elle une paria. A peu de temps d’intervalle les deux ados disparaissent générant beaucoup d’énergie et d’action pour les retrouver. Le suspense grandit et des petits secrets finissent par voir le jour. Il y aura une demande de rançon, l’élaboration d’un complot et même un scandale politique, c’est alors qu’entre en scène deux personnages qui vont nous tenir en haleine en tentant de résoudre cette affaire. On retrouve notre garçon des bois devenu Wilde un enquêteur hors norme et l’avocate Hester Crimstein qui ne sera pas une inconnue aux fans de l’auteur. Le personnage de Wilde est un cliché de mâle Alpha à lui tout seul. Enfance auréolée de mystère, personne ne sait comment il a pu vivre seul ainsi dans les bois, même pas lui qui court après son passé. Aujourd’hui il est devenu un homme superbe, intelligent, ex agent secret dans l’armée, il va être la vedette de ce thriller. Heureusement qu’il y a Hester qui est pour moi le personnage le mieux construit avec ses 70 ans, elle ne manque ni de courage ni d’envergure pour laisser n’importe qui sur le carreau rien qu’avec ses répliques, j’adore. Vous l’aurez compris comme à son habitude l’auteur jongle avec une multitude balles à la fois et pas une seule ne touchera terre, d’ailleurs moi non plus. Toutes les pistes seront exploitées et nous aurons les réponses à nos questionnements pour chaque chemin mystérieux emprunté par l’imagination fertile de l’auteur. Un thriller divertissant, rythmé, foisonnant qui aurait pu être divisé en trois tant il y a de matière. Bonne lecture.

Je remercie NetGalley et les éditions Belfond pour l’envoi de ce roman.

Naomi, jeune adolescente harcelée dans son collège, disparaît. Un de ses camarades, Matthew, demande à Hester, sa grand-mère avocate pénaliste de renom, d’enquêter. Hester va solliciter l’aide de Wilde, qui était le meilleur ami de son fils décédé, et qui est surtout un ancien enfant trouvé dans la forêt dont les origines restent mystérieuses.

Ce thriller est un vrai page-turner : les chapitres sont courts et rythmés, les points de vue s’alternent et les rebondissements nombreux. Je l’ai dévoré ! L’auteur a un talent indéniable pour happer le lecteur qui tourne page après page, car attendre pour connaître la suite est un supplice.

Les investigations menées par le duo les entraîneront dans diverses strates de la banlieue de New York, du manoir cossu d’un couple de riches parents d’élèves et évoluant dans le monde de la télévision, à la bicoque du père de Naomi, employé terne et absent. On passe allègrement du candidat à la présidentielle, homme malsain entouré de secrets, à la veuve qui a des difficultés à refaire sa vie puis au vieux policier respectueux. La galerie de personnages et de lieux est foisonnante, et fait partie de l’intérêt du roman.

Si Hester est une avocate impitoyable dans son activité professionnelle, mais dévouée à sa famille, Wilde s’avère être le personnage le plus fascinant : ancien enfant trouvé dans la forêt, héritier de Mowgli dont personne ne connaît les origines, pas même lui. Ses courses dans les bois, sa méfiance innée, ses talents de pisteur et son passé dans l’armée en font un homme hors du commun. Adulte, il a du mal à tisser des relations avec son entourage, il se montre néanmoins attaché à quelques rares personnes… Et on a envie d’en savoir plus sur lui ! J’espère qu’il y aura une suite qui nous en dévoilera davantage sur lui.

Tout d’abord un grand merci à Babélio et aux Editions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce livre lors d’une MC spéciale. On nous demande de rédiger la chronique sous la forme d’une lettre, elle est adressée à mon amie Charlotte, une des participantes de notre groupe de tricot et aussi grande amatrice de polars.

Chère Charlotte

Je t’envoie une carte postale du New Jersey, je sais que comme moi tu aimes les polars et les USA. J’ai visité une forêt dans la banlieue de New York en compagnie d’Harlan Coben et de ses nouveaux personnages. C’est étonnant de trouver une nature sauvage si près de cette grande ville, mais le plus étonnant est de visiter cette région dévastée par le Covid au printemps 2020, sans jamais voir mentionner la pandémie, comme quoi rédiger un roman d’anticipation qui se déroule quelques mois après son écriture n’est pas forcément une bonne idée. Et tout dans ce livre est un peu boiteux, Coben nous a habituées à mieux, je suis impatiente de savoir si tu partages aussi ce point de vue.

Matthew confie à sa grand-mère, Hester, une redoutable avocate septuagénaire son inquiétude pour Naomi, une camarade de classe harcelée qui a disparu depuis quelques jours. Il se confie aussi à son parrain, Wilde, un homme qui vit dans la forêt, où on l’a trouvé enfant. Il ne connaît rien de ses origines et on peut supposer qu’on en apprendra plus dans un prochain opus. Hester demande à Wilde de chercher la jeune fille, adoptée et apparemment maltraitée par ses parents, mais surtout souffre-douleur du lycée, Crash et sa bande, les ados les plus populaires s’acharnent sur elle. Matthew finira par avouer qu’il lui a aussi fait du mal. Hester anime une émission d’actualité dans laquelle elle lance un avis de recherche. Outre cette disparition, l’enjeu est de savoir si des cassettes compromettantes pour Rusty Eggers, le sulfureux sénateur du New Jersey existent vraiment, elles seraient détenues par le père de Crash, un producteur qui nie les avoir jamais enregistrées.

Je ne vais pas entrer dans les détails de cette intrigue peu convaincante, je te la laisse découvrir par toi-même, tu verras que Coben est capable de beaucoup mieux. De plus il y a de la romance dans l’air , Wilde est amoureux à la fois de la mère de Matthew, veuve de son ami David et d’Ava une prof de dessin, il semble qu’en fait Naomi et Crash aient fugué ensemble et que le harcèlement n’était qu’une manière de donner le change, mais surtout Hester et Oren, le chef de la police tombent amoureux l’un de l’autre à plus de septante ans et se mettent à se comporter comme des adolescents ridicules.

Comme j’apprécie les romans de Coben, tout comme toi et que nous sommes d’accord pour trouver excellents ses deux derniers, je pense que cet apparent ratage est aussi une manière de donner le change, un leurre sur le vrai sujet du livre qui est une réflexion sur les dérives du système américain. Rusty Eggers, avant d’être sénateur, était, non pas promoteur immobilier, mais animateur d’une très célèbre émission de télé-réalité. C’est un personnage affreux, à l’égo démesuré, très riche, désireux de mettre le plus de pagaille possible et candidat à l’élection 2020. Evidemment, toute ressemblance…. etc Finalement quelle que soient les révélations, il arrive à tirer son épingle du jeu et arrive même à tirer bénéfice de ce qui pourrait lui nuire en jetant le discrédit sur le camp d’en face, une situation totalement impossible dans la réalité, n’est-ce pas M.Giuliani ?. L’avocat d’extrême-gauche et le colonel conservateur sont de vraies caricatures également. Coben dénonce clairement cette société à deux, ou plusieurs vitesses, où les riches peuvent tout se permettre et où les Noirs sont souvent victimes d’injustices flagrantes, pourtant même si tout indique qu’il y a eu erreur judiciaire, un innocent peut rester sans problème en prison. Quelque part le système tourne en roue libre et broie sans pitié les plus défavorisés sans aucune possibilité d’arrêter le carnage. Et ce thème est bien actuel malheureusement. Je pense que ce sont là les vrais thèmes du livre. C’est dommage que la situation de Naomi ne soit pas davantage développée, mais finalement elle n’est qu’un rouage sans importance du prétendu rêve américain. Et si on le lit comme une fable politique plus que comme un thriller, ce livre est une grande réussite.