Mars
  • Date de parution 13/04/2023
  • Nombre de pages 320
  • Poids de l’article 323 gr
  • ISBN-13 9782072940019
  • Editeur GALLIMARD
  • Format 205 x 140 mm
  • Edition Grand format
Biographies, Mémoires Allemagne Romans étrangers Réédition à venir

Mars

3.89 / 5 (569 notes des lecteurs Babelio)

Résumé éditeur

Fils d'une famille patricienne de Zurich, celui qui a écrit ce livre sous un pseudonyme fut ce qu'on appelle un enfant bien élevé. Dans la somptueuse villa, au bord du lac, régnait l'entente parfaite. Un certain ennui aussi, qui tient à la bienséance. Non sans humour, Zorn nous décrit les petits travers de ses parents. Humour ? Le mot est faible. Disons plutôt une noire ironie, celle du jeune homme qui, découvrant qu'il est atteint du cancer, pense aussitôt : "naturellement".Jamais les contraintes et les tabous qui pèsent, aujourd'hui encore, sur les esprits soi-disant libres n'ont été analysés avec une telle pénétration ; jamais la fragilité de la personne, le rapport, toujours précaire et menacé, entre le corps et l'âme, qu'escamote souvent l'usage commode du terme "psychosomatique", n'a été décrite avec une telle lucidité, dans une écriture volontairement neutre, par celui qui constate ici, très simplement, qu'il a été "éduqué à mort". Il avait trente-deux ans.

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  • Date de parution 13/04/2023
  • Nombre de pages 320
  • Poids de l’article 323 gr
  • ISBN-13 9782072940019
  • Editeur GALLIMARD
  • Format 205 x 140 mm
  • Edition Grand format

l’avis des lecteurs

L'auteur, qui écrit sous un pseudonyme (vous comprendrez bientôt pourquoi) ce terrible essai autobiographique, y évoque son cancer. Un cancer médicalement avéré (et dont il mourra à l'âge de trente-deux ans peu de temps après avoir fini cet ouvrage), mais dont il explique la genèse d'une manière inattendue, et surtout extrêmement pathétique.


Élevé par des parents riches et bourgeois, sur la "bonne rive" (la droite, celle que l'on surnomme aussi la "dorée") du lac de Zurich, il a subi dès son enfance les dommages d'une éducation trop policée, trop psychorigide. Il a baigné dans l'illusion d'une harmonie qui était en réalité le résultat d'une absence de toute énergie vitale : pour conserver à tout prix cette harmonie, ses parents déployaient plusieurs techniques, notamment d'évitement des conflits, en se désistant de toute discussion a priori sensible par des lieux communs y coupant court ("c'est pas comparable", "c'est compliqué", "on verra plus tard"). Il était de rigueur de s'exprimer par euphémismes, et surtout d'être toujours d'accord avec le chef de famille, qui donnait le ton de "ce qui se faisait" et de "ce qui ne se faisait pas", de ce qui était bien (les riches gens de droite) et mal (les communistes). Tout sujet en rapport avec la vie, toute initiative de réflexion ou d'analyse étaient tabous. Ainsi, on ne parlait pas de politique, pour ne rien dire du sexe (considéré comme inexistant) ou de la religion.

Engoncés dans une conception de la bienséance ultra puritaine, basée sur le refoulement de tout sentiment, ils ne vivaient que dans l'idée de l'image qu'ils devaient renvoyer, leurs goûts, leurs comportements étant entièrement déterminés par ce qui était considéré comme "élevé", ou du moins perçu comme tel par ceux de leur milieu.


Le narrateur s'est naturellement moulé dans cette manière d'être sans vivre. Enfant, adolescent puis étudiant solitaire, évitant tout contact avec les autres, il vivait dans une fausse harmonie, consistant en l'absence de toute émotion et de tout désir, qu'il soit sexuel ou autre, de tout élan de joie -sans même parler de bonheur- comme de toute colère, dans une passivité mortifère à force de correction et de discrétion ... jusqu'à ce qu'il se rende à l'évidence et admette l'anormalité que les mensonges constituant sa vie avait ancrée en lui, et prenne conscience de l'ampleur du désespoir qui le hantait, jusque-là enfoui sous son incapacité à l'exprimer, y compris à lui-même. 


"(...) en fait, je n'étais même pas Moi, j'étais simplement correct (...). Je n'étais même pas un membre utile de la société humaine, je n'en étais qu'un membre bien élevé".


Les petites joies que lui procurent notamment le succès estudiantin de ses écrits amateurs ne suffisent pas à compenser l’abîme béant où guettent ses angoisses et ses souffrances. Devenu adulte, traînant une existence toujours aussi morne et aussi désespérée, il finit donc par attraper ce fameux cancer, lié selon lui à la névrose que lui a transmis son éducation basée sur la construction fictive et dogmatique d'un monde parfait. Un cancer qui surgit sous la forme d'une première tumeur dans le cou, contenant, prétend-il, toutes les larmes qu'il n'a jamais pu pleurer, parce qu'il a été programmé à ne se jamais se plaindre, à ne jamais déranger...


"Je crois que le cancer est une maladie de l'âme qui fait qu'un homme qui dévore tout son chagrin est dévoré lui-même, au bout d'un certain temps, par ce chagrin qui est en lui".


"Mars" est la chronique détaillée, souvent répétitive, non pas tant de cette maladie et de son évolution, que de ce qui l'a provoquée, la critique virulente de ce mode de "non-vie" bourgeois, mortifère et dévastateur pour l'individu, qu'il précise d'ailleurs n'être pas le seul à avoir subi (l'ensemble des riverains de la "rive dorée" serait atteint du même mal), bien que dans son cas, le mal se manifeste avec une ampleur hors du commun.

C'est aussi un cri de révolte, le témoignage poignant d'un homme qui se sent "castré, bafoué, brisé, déshonoré", en qui la faculté d'être heureux a été détruite, qui a subi durant trente ans de stérilité la mort de son âme, et dont le corps à son tour capitule et s'effondre. Ce faisant, ce cri est aussi et surtout une ultime tentative d'affirmation de soi : sa souffrance, c'est son "lui" profond, qui combat un héritage familial et culturel qui l'a rendu inapte à la vie, son cancer étant sans doute le prix à payer pour s'en libérer...


"Telle est ma vie. J'ai grandi dans le meilleur, le plus sain, le plus harmonieux, le plus stérile et le plus faux de tous les mondes ; aujourd'hui je me trouve devant un tas de débris".


Un texte très fort, empreint, comme le définit l'auteur lui-même, d'un humour "cosmique" -en tous cas profondément cynique et désespéré- bien que parfois alourdi de redondances, mais ces dernières sont finalement à l'image de la détresse qui le pilonne sans répit...


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